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samedi 13 juin 2009

The Road. La filière américaine. Dead end. (3)

Se suivent dans la filière américaine, à 50 ans d'intervalle, Jack London et Jack Kerouac. Tous deux ont pris la route et parcouru les États-Unis d’Amérique, au gré des rencontres et des moyens de déplacement. Deux sans-le-sou avides de découverte. Tous deux, conteurs et personnages de leurs propres aventures, pour ne pas dire de leur «vécu». Dans le roman The Road, de Cormac McCarthy, 50 ans après Jack Kerouac, deux personnages se mettent en route –l’auteur, lui, ne prend pas la route comme ses prédécesseurs.

Ils n’ont pas choisi la route, ils ne courent pas à l’aventure, ils veulent, simplement, survivre. Finie l’insouciante jeunesse! Finies les «folleries»! La [dernière] Route mène à l’impasse. Dead end. Mais quelle route? À l’époque de Jack London, on réclamait des routes, à celle de Jack Kerouac, on roulait sur les routes. Depuis une épouvantable catastrophe qui a frappé le pays, il n’y en a plus de routes, plus de «Highways», de US Route 66, orgueil des Américains. Plus de trains, plus d’autos. RIEN. Il n’y a plus rien : tout est calciné, les maisons et les commerces sont vides. Des morts ici et là. Plus personne, c’est «vide de monde». Si… mais ce sont des «mangeurs d’hommes», des anthropophages… des hordes qui commettent les pires exactions: des «méchants». Il n’y aura pas de «gentils».

Dans ce roman, il n’y a plus de héros, que l’homme et l’enfant, le papa et son petit, sans visage, sans identité. Ils marchent sur un épais tapis de cendres. Ils avancent péniblement poussant un charriot rempli d’objets hétéroclites, une lanterne, une bâche en plastique, des couvertures. Ils cherchent de la nourriture, mangeant ce qu’il trouve et évitant d’être mangés… Le froid, l’humidité, la faim, la peur au ventre –toujours creux- les assaillent. Ils sont délabrés, ils sont sales, ils sentent mauvais. Dans un état pire que celui des «hoboes»…

Ils se dirigent vers le sud pour rejoindre la mer.
Leur seule planche de salut. Leur seule espérance, symbolisée par le bleu azur de cette mer qu'ils verront, enfin..., tranchant sur les jours sombres, et les nuits noires. C’est si peu demandé… et c’est si durement gagné. Hélas, trois fois hélas, ils aboutiront sur un sinistre rivage, battu par les vents, balayé par un puissant ressac, face à une mer hostile couleur d’encre. Coincés, sans retour, au fond d’une impasse. Dead end.

Réclamer, bâtir, détruire: en trois générations.
Celle de Jack London, celle de Jack Kerouac, et la nôtre avec son incurie. Si la tendance se maintient… une catastrophe pourrait bien se produire. McCarthy serait-il un visionnaire? Nous sert-il un coup de semonce? La terre n’a pas besoin de l’homme pour continuer, c’est le contraire! «Nous souhaitons tous, dit Hubert Reeves, que les êtres humains prennent en main leur propre sort pour arrêter cet engrenage de la détérioration.»

La «non-histoire», si je puis dire ainsi, est rendue par une écriture qui la répercute et l'amplifie. Et qui accentue sa charge émotionnelle. Une écriture sèche, saccadée. Des phrases courtes, à bout de souflle. Des dialogues brefs, répétitifs. Le texte dégage une musique a cappella, scandée comme une litanie.

Les deux «pénitents» s'avancent couverts de cendres, victimes expiatoires des destructeurs de leur monde. Au bout de leur horrible «pélerinage», ils paieront de leur vie ce que d'autres ont détruit avant eux.
Un lourd tribut exigé de la part d'un enfant innocent, qui ne sait rien du monde d'avant, du monde du gaspillage, de l'écurie et de la violence. Un enfant qui ne verra pas la mer bleu azur...

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