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vendredi 4 décembre 2009

Démocrite dans sa cabane / Extraits - Le Recours aux forêts - Michel Onfray

Tel Démocrite dans sa cabane, Michel Onfray s'est replié dans dans son jardin de l'Orne. «Il y veille, dit Jérôme Garcin, à la bonne santé de ses fleurs et sur un être très cher en mauvaise santé.» Avant de présenter des extraits de «Le Recours aux forêts», disons un mot sur le sens de ce titre du livre afin de mieux saisir la portée du propos. Le dernier livre de Michel Onfray s'inspire d'une lointaine tradition islandaise aussi bien que de la pensée de Démocrite. Michel Onfray, qui descend de lointains Onfroi danois et conquérants, écrit:

Côté pile, Le Recours aux forêts renvoie à l’Islande et à une tradition juridique médiévale... Côté face, il s’enracine dans la terre normande du jardin de ma maison, dans mon village natal, celui de ma famille enracinée dans cet humus depuis dix siècles. Parfum de terre généalogique non loin du cercle polaire et odeur de glèbe génésique dont je viens et vers laquelle je me dirige pour m’y fondre un jour avant dispersion dans le cosmos bruissant de poussières mortes. Mélange de fragrances telluriques à l’intersection d’un lignage et d’un destin, au croisement d’un nom propre, je suis cette promesse de poussières mortes.

Dans un texte personnel, bien senti, en harmonie avec sa vie, Michel Onfray évoque «Le recours aux forêts» et «La tentation de Démocrite» dans un magnifique texte en vers libres, écrit pour être dit (au théâtre), mais également pour être lu, par vous et par moi.
Un texte fort où chaque mot vaut son pesant d'or.
Un texte qui résonne au creux de l'oreille.
Un texte en résonance avec le monde d'avant-hier, d'hier, et d'aujourd'hui.

Un texte qui vous touchera... il ne peut laisser personne indifférent. Lisez-le jusqu'au bout... et vous verrez. Notons que les extraits sont une gracieuseté des Éditions Galilée, qu'il faut remercier pour leur générosité*.


Extraits. «Le Recours aux forêts», de Michel Onfray

La mort sent une odeur fade,
Je sens cette odeur fade.
C’est l’heure du recours aux forêts…

J’ai vécu assez pour en savoir assez.
Aux deux tiers de sa vie si l’on ne sait pas
ce que contient le dernier tiers
C’est qu’on n’a rien appris,
Donc qu’on n’apprendra jamais,
Donc qu’on n’apprendra plus.

Je sais les hommes,
Assez même pour pouvoir dire : j’en sais
assez pour haïr les hommes.
Mais je ne parviens pas à haïr.
Trop d’énergie perdue,
Trop d’énergie gâchée.
Pas assez de haine au ventre,
Pas de haine du tout, même.

Je pourrais pleurer comme Héraclite,
Mais je veux réserver les larmes pour ce qui
le mérite.
La folie des hommes ne mérite pas qu’on
pleure.
La mort de ceux qu’on aime, voilà les seules
justifications des larmes.

Je veux bien plutôt rire comme Démocrite
de la folie des hommes
Comme lui, rire
Comme lui, vivre au fond d’une cabane
dans un jardin
Tourner le dos aux hommes,
Sans amertume,
Sans fâcherie,
Sans colère,
Sans haine, bien sûr,
Sans acrimonie,
Sans bile noire.
Je veux simplement en fi nir avec le commerce
de la folie
De la sottise
De la bêtise
De la noirceur des hommes
De leur méchanceté.

Je veux passer le restant de mes jours en
ma compagnie.
seule vraie compagnie:
Celle de soi…
J’ai vu le monde
Sous toutes les latitudes.
C’est une même folie:
Passions de guerre
Et charniers d’épidémies
Brasiers d’incendies
Vols, meurtres et massacres.
Rouge ou séché : du sang partout
Depuis toujours,
Des épées, des lames, du poison, des couteaux
affilés, des dagues
Des cordes pour les potences
Du chanvre pour tous les liens de toutes
les cordes
Des clous pour supplicier.

Avant-hier,
Des crucifiés sur une voie romaine
Des dépecés de la Saint-Barthélemy
Des couteaux chrétiens pour égorger des
cous chrétiens.

Hier,
Des gazés dans des usines à mort polonaises
Des décapités dans les forêts africaines
Des carotides tranchées pour le marxisme
Des fours crématoires pour le nazisme
Des famines pour le communisme
Des viols et des garrots pour le fascisme.

Aujourd’hui,
Des pendus et des lapidés pour le Coran
Des balles ajustées dans la tête pour le
Talmud
On n’écorche plus pour la Bible
Parce qu’on n’en a plus les moyens
Sinon, on écorcherait ce jour comme on a
écorché mille ans…

La bête tue pour manger
Repue, elle ne tue plus
Les hommes ne sont jamais repus
Ils tuent sans relâche
Ils inventent des machines à tuer
Ils raffinent.
Le chien vaut mieux que l’homme…
Diogène avait raison.

Les comètes passent
Les astres tournent
Le cosmos tremble
Les planètes dansent
Mais c’est toujours un même long et interminable
cri.
Les solstices et les équinoxes se remplacent
Mais nul repos, nul répit pour la mort que
les hommes infligent aux hommes.
L’univers baigne dans le sang.
L’éternel retour des hommes
C’est l’éternel retour du mal…

J’ai vu les puissants
Sans jamais manger à leur table.
Ici les riches se gobergent
Là les pauvres meurent de faim
Ici les palais, là les taudis
Ceci expliquant cela.
L’or brille ici, la crasse pue là
Le diamant scintille ici, la tourbe fermente

L’argent triomphe ici, la faim tue là
L’un meurt de trop manger
L’autre meurt faute d’avoir mangé
L’un creuse sa tombe avec ses dents
L’autre vit chaque jour dans un tombeau.
Les puissants volent
Les misérables laissent faire les puissants.

J’ai vu des innocents, des inconscients
Qui, devant leur tombe, au cimetière
Continuent à se mentir à eux-mêmes
Ils jouent avec des osselets
Ils se divertissent d’un rien
Ils se passionnent pour des jeux d’enfants
Ils veulent des honneurs
Ils veulent de l’argent
Ils veulent des richesses
Rien d’autre ne les intéresse.
Ils veulent des décorations
Ils tueraient père et mère pour un ruban
Ils trahiraient l’humanité pour un hochet
Ils vendraient leur âme pour un colifichet.
Vanités et sottises
Friponnerie et filouterie
Un peu de gloire
Une âme damnée pour obtenir la faveur de
leurs contemporains.

Tous nos gouvernants sont des Caligula.
Je n’en ai vu aucun se souciant de ses sujets
De son peuple
Tous trahissent leurs promesses
Tous promettent la lune
Tous se renient
Tous ont tué, tuent ou tueront pour asseoir
leur pouvoir ridicule.
Après avoir tout fait pour parvenir au
trône
Ils font tout pour y rester
Cabinets secrets
Éminences grises
Milices de l’ombre
Tueurs à gages
Cadavres dans le placard
Pendus dans l’arrière-chambre
Égorgés dans les caves
Le prince n’a pas assez de deux mains pour
étouffer…

J’ai vu des philosophes
De loin
Sans jamais partager leurs tables
Car les philosophes me font rire plus encore
que les autres
Mon maître, Lucien de Samosate, a déjà
tout dit
La plupart donnent des leçons
Se voulant maîtres des autres sans être maîtres
d’eux-mêmes !
Rire de tous ceux-là…
Rire avec les rieurs
Rire et rire encore de ce banquet misérable
de philosophes ridicules…

J’ai vu des gens de Dieu
Plutôt gens de diable…
Des vendeurs de ciel se roulant dans les
bouges
Des cardinaux fascistes
Un pape laissant déporter les Juifs sous ses
fenêtres
Des ayatollahs donnant l’ordre de pendre
les femmes adultères
D’arracher la langue des menteurs
De couper la main des voleurs
De vitrioler le visage des femmes dévoilées
D’effacer leur maquillage au papier de verre
Des imams interdire le cerf-volant aux
enfants
Se réjouir de l’égorgement d’un journaliste
juif
Danser sur les ruines de Manhattan
Condamner à mort celui qui dit la vérité
Appeler à lyncher l’écrivain libre
Lancer une fatwa contre qui dit l’intolérance
de l’intolérant…
__
* Psitt! Sous-jacent aux remerciements, un texte «subliminal» s'adresse aux éditeurs... disons radins, et pas trop futés.

samedi 7 novembre 2009

Paradis, clef en main -Nelly Arcan

«Paradis, clef en main», de Nelly Arcan (2009). Alertée par la note, «En bref - Extrait du dernier roman de Nelly Arcan» (Le Devoir, 15 octobre 2009), je me suis empressée de lire l'extrait, sur mon écran, de «Paradis, clef en main» publié aux éditions «Coups de tête». Imprimé, relu, annoté dans le but de le commenter... j'ai déposé l'extrait dans un tiroir. Je n'étais pas prête. Le trop-plein d'émotion, le trop-près du drame sont de mauvais conseillers, ils risquent de biaiser l'analyse d'un texte, à ce que je pense. Tout roman est fiction, il faut donc lire le roman «Paradis, clef en main» sous cet angle.

«Paradis, clef en main» est une compagnie (cie). Sa mission -pour reprendre le jargon organisationnel- est d'organiser le suicide de ses clients. N'est pas client qui veut! N'est pas client qui paie! Tout de même! La cie impose une condition sine qua non: que le désir de mourir soit incurable. Autrement dit: que la vie soit devenue une maladie incurable. Bien organisée, la cie possède un comité de sélection qui fait passer au client potentiel des tests, des épreuves: un rituel courant, quoi! «Business as usal»... Sélectionné, le client choisit son forfait, et "Paradis" s'occupe de tout, pour vous. La cie possède de l'expertise technique, le «know how», résultat... garanti.
  • «Cette compagnie pro-choix intouchable, parce que impeccablement organisée, qui vous monte de toutes pièces une mort réfléchie, choisie et payée par volonté, affirment-ils, de vous conserver intacte une dignité dans la détestation de vous même, dans la violence du dernier souffle arraché, tout ça de manière sécuritaire, efficace et hygiénique, je l'ai vue de trop près pour l'oublier.»
  • «Monsieur Paradis est le père incontesté de la compagnie, le fondateur de l'usine à morts volontaires qu'est Paradis, clef en main. [...] Son audace (c'est le premier à offrir de tels... services) lui est venue après que son fils, suicidaire depuis l'enfance ... s'est tué de manière si sanglante que sa mort ne pouvait être un message qui lui était adressé.»
On voit que la narratrice n'achète pas argent comptant tout ce que dit ou fait Monsieur Paradis. Au contraire, elle lui «organise le portrait*», car elle bien compris de quoi il en retournait. Non pas pour se venger de «s'être faite organisée*», mais parce qu'elle est lucide et informée. Une femme intelligente au franc-parler.

Antoinette Beauchamp
est la narratrice du roman, celle que la technique, supposément, bien rodée de «Paradis, clef en main» a ratée et rendue paraplégique, il y deux ans. «Une erreur inexpliquée» dit-elle laconiquement. Antoinette avait choisi la guillotine, d'où le lien -on le comprend- avec la belle reine Marie-Antoinette. Sa mère réduira son nom en Toinette, et sa fille paraplégique en toilette (les toilettes), tant elle méprise ce corps abîmé, à demi mort.

Trois belles femmes: la reine de France, Antoinette et sa mère à qui elle ressemble comme deux gouttes d'eau. «Je reconnais mon visage en le sien, mes cheveux en les siens, mes épaules, mes seins inexistants
  • Je reconnais mes jambes perdues en celles que ma mère porte encore et actionne comme si je n'étais pas paraplégique.
  • La peau de son visage éclairée par le soleil est lisse et sans rides malgré ses cinquante-huit ans. La dernière technique de sablage sans temps de récupération donne des résultats impeccables, elle est accessible à tous ceux qui en ont les moyens.
  • Ma mère a les moyens de tout, à commencer par la jeunesse éternelle de l'épiderme.
Chevelure abondante brun foncé, sans un cheveu blanc (grâce à Dragonax), les yeux verts, portant des talons hauts, la mère d'Antoinette a fondé «une compagnie de cosmétiques vendus partout dans le monde appelée Face The Truth.» De là, Antoinette dénonce, sans forcer, l'industrie de la beauté qui façonne le corps de femmes pour le rendre conforme aux desiderata des autres, tout comme le regard implacable sur le corps de la femme, de la femme devenue objet.
La belle et jeune femme méprise son corps dont elle est prisonnière. Elle veut l'avilir ce corps (excréments, vomissures), elle veut «se» vomir, elle veut vomir sa mère. Des images fortes qui expriment le total rejet de soi, et l'effet miroir mère-fille. Et une relation mère-fille houleuse, faite de haine et d'amour, exprimée en terme de gémellité**.
  • Ma mère et moi, on forme un couple de siamoises. Les couples qui se disputent se disputent selon un schéma de pas de danse qu'ils respectent au pied de la lettre sans le savoir.
  • Avec ma mère, c'est ainsi. On forme un couple comme un tronc bicéphale à sens unique: le sien, à elle. L'absence de réciprocité a toujours été notre lien le plus fort.
  • Ma mère, je ne peux pas l'aimer. Ce n'est pas contre elle. Ce n'est pas une manière d'enfant gâtée de tester son endurance comme celle de Job.
  • Ma mère, je ne peux pas la haïr non plus. C'est ça le pire. Se battre contre, c'est japper à contre-courant, c'est ouvrir grand la gueule sur sa propre gueule mordue et grande ouverte.
Pourtant, Antoinette ne va pas sombrer. Elle va se tourner vers la vie. Elle va tourner son regard vers l'avenir. Dans les jours sombres qu'elle traverse péniblement, la vie finira par se faufiler. Un évènement survient qui changera le cours des choses.
Tel un phénix, Antoinette renaîtra de ses cendres.
Ce roman d'ombre et de lumière où la lucidité s'inscrit en filigrane est traversé d'observations fines, d'ironie et de pointes acérées. Il pétille d'intelligence et de culture -Antoinette est sûrement une grande lectrice. Il évite le piège du prêchi-prêcha dans lequel le roman aurait pu tomber par moments.
L'écriture est belle. Les mots résonnent sans concessions. Un chat est un chat; on appelle un chat, un chat. Les phrases, courtes ou longues, épousent le texte et lui donne un rythme. Fait rare dans un roman, les rouages d'une compagnie commerciale sont utilisés à bon escient.

Conseil de lecture
Je n'hésite pas à vous recommander ce livre.
[] Pour son
écriture maîtrisée, pareille à nulle autre. Un bon roman se remarque, d'abord et avant tout, à son écriture. Un chant particulier s'élève des pages de ce roman. Une belle écriture.
[] Pour son sujet traité d'une façon originale, unique. L'ex-suicidée raconte sa vie en 3 étapes qu'elle entremêlent: avant l'achat de son forfait chez «Paradis, clef en main; le dit forfait et la livraison du «produit défectueux» avec mention «ne peut être échangé»; et sa deuxième vie, sa re-naisssance. Ce n'est pas banal.
[] Pour son emploi du «je». Il ne suffit pas de raconter au «je», sous-entendant «je suis à nul autre pareil». La nature humaine... c'est la nature humaine, elle appartient au règne animal. Rien à faire. C'est comme ça. Il est impérieux que ce «je» de la narration veuille, subtilement, dire «nous». «Je, c'est nous, les humains». Relisez l'entame du roman: elle est re-mar-qua-ble. «On a tous déjà pensé se tuer... Ça vient, ça prend à la gorge, et ça passe. Dans le meilleur des cas.» Et puis, un enchaînement: «Il y a des gens pour lesquels ces pensées ne passent pas. Elles coincent dans l'embrayage...» Plus loin: «Des gens comme moi.» On a tous... vous et moi!

«Aux romanciers bien nés, la valeur n'attend pas le nombre de romans!»
Pierre Corneille, pour Livranaute.
___
Psitt! Sur mon blogue siamois, Littéranaute, je signale des articles à lire, et donne le lien où trouver un long extrait du roman.
* Au Québec, signifie lui régler son compte avec ou sans coups de poings. La plupart du temps, des coups de gueule suffisent. Se faire organiser signifie se faire rouler, être dupé.
** Je vous réfère au livre «Le mystère des jumeaux», de Marie Noëlle Imbert et Nils Tavernier dont j'ai parlé sur Littéranaute , dans mon billet du 15 septembre 2009. Il est ici, car il existe n'en déplaise à Blogger.

vendredi 23 octobre 2009

Le Grand Jack - Jack Kerouc - On the Road

«Le Grand Jack» - Jack Kerouc - «On the Road». Nous venons de quitter «Survenant», ce «Grand-dieu-des-routes», précurseur de Jack Kerouac, et voilà que l'actualité nous ramène à Jack Kerouac. Pour mon plus grand bonheur et le vôtre, fidèles lectrices et lecteurs. À l'attention de mes amis Français, j'explique ce que signifie l'expression «un grand jack». On désigne ainsi, au Québec, un homme qui est grand, très grand (relativement à la moyenne...), c'est un grand jack! Le titre «Le Grand Jack» se rapportant à Jack Kerouac, joue sur les deux sens du mot, soit un homme grand et un grand homme, un grand écrivain. Voilà un titre subtil, à mon goût. Vous pensez que je me vante? Pas du tout...
«Le Grand Jack» est le titre d'un docufiction sur Jack Kerouac, réalisé par l'ONF (Office National du Film).

Comme dans les questionnaires -oui, on le aime, ces petites bêtes- cochez A pour lire l'introduction publiée sur Littéranaute aujourd'hui même, je la reprends ici ou cochez B, vous pour visionner le docufiction. Cochez C -qui n'apparaît ni au recto ni au verso - méchantes petites bêtes, va!- pour lire (ou relire) le texte d'introduction et voir la vidéo -terme qui n'apparaît ni au recto ni au verso -méchantes bêtes, va!

A. «Le Grand Jack»
Il y a 40 ans, la mort emportait Jack Kerouac sur la route céleste de l'éternité: c'était le 21 octobre 1969. Il y avait longtemps que Jack Kerouac avait quitté la route terrestre, qu'il avait mis un point final à «On the Road». Ce livre qui a marqué toute une génération, nommée la «Beat Generation», et poursuivi sa route jusqu'à nous. Jack Kerouac nous a légué une œuvre à nul autre pareille, intemporelle. Une œuvre insensible au temps... aujourd'hui comme hier, et hier comme demain. Un héritage! Avec un bilan positif! C'est à nous de mettre la main dessus -et un œil ou deux...

Pour célébrer ce quarantième anniversaire, l'ONF (Office National du Film) présente un docufiction qui entremêle des archives, des photos, des entrevues et des reconstitutions d'époque dans le but de «décortiquer le mythe du héros», dixit le résumé, si tant est qu'on puisse éplucher un mythe... doublé d'un héros...

Ce docufiction entremêle, à l'aide d'images, la vie de Jack Kerouac et «On the Road», et en donne une vision juste et éclairante, poétique et rythmée. Le texte et la narration, d'Herménégilde Chiasson, sont à la hauteur. Il ne «décortique rien», et c'est heureux et... comme dirais-je, logique... plein de bon sens...

C'est, à ma connaissance, et de loin, le meilleur documentaire. Je le trouve excellent. D'autant plus, que l'on a retenu que de brèves séquences de l'entrevue (minable) Jack Kerouac avec Fernand Seguin, dans le cadre du «Sel de la semaine», où jamais sel de la sagesse ne fut plus rare.*

Ce docufiction saura vous captiver, vous émouvoir, vous projeter dans le monde de Jack Kerouac. Regardez-le avec les yeux du cœur..

B. Le Grand Jack, Herménégilde Chiasson, une réalisation de l'ONF

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* Voir mon billet du 10 juillet 2009. Il est ici, je viens de le voir, il existe... Cliquez ici.

mardi 6 octobre 2009

Qui êtes-vous... Survenant? (3)

Qui êtes-vous... Survenant? (3). Descendant du Français Beauchemin dit Petit, bourlingueur, homme de chantier, coureur des bois, aux allures d'Indien, «Survenant» s'inscrit dans la filière américaine, à la suite de Jack London, «The Road», à titre de précurseur de Jack Kerouac, «On the Road». Cette route que fermera Cormac McCarthy avec «The Road». En examinant attentivement le personnage de Germaine Guèvremont, «Le Survenant», on discerne, aisément, son originalité et sa modernité. Mais qu'en est-il, vraiment, de sa part d'américanité?

Survenant: un beatnick

Laissons la parole à Germaine Guèvremont «Mon Survenant aurait pu être beatnick, lui aussi»*, dit-elle lors d'une entrevue au Petit Journal (1959). À la lumière du roman et des écrits consultés, on sait que cette affirmation n'est pas superficielle.

Hélène Destrempes et Jean Morency écrivent: « Reconnaissant ainsi le lien direct entre son personnage fétiche et la mouvance beat, elle ne manque pas d'inscrire la figure du Survenant dans un courant nord-américain dont il est en quelque sorte un précurseur ou du moins représentant. Son grand-dieu-des-routes, habité par la fièvre des départs et porté sur la dive bouteille, serait ainsi un proche parent, voire un précurseur de Jack Kerouac, dont le fameux roman On the Road date de 1957. Cette revendication de la modernité de la figure du Survenant comme du roman lui-même n'a rien de gratuit, du moment que l'on considère l'étendue de la culture livresque de Germaine Guèvremont, qui connaissait la lignée des auteurs dont l'œuvre de Jack kerouac était elle-même issue, à commencer par Jack London, John Steinbeck, Thomas Wolfe (...)».*

Les auteurs soulignent que Alfred Desrochers, dans les années '40, se «tourne vers la poésie américaine, qu'il a découverte avec ravissement dans des revues spécialisées venues des États-Unis.» Ils mentionnent que l'écriture de Germaine Guèvremont a été influencée par ses lectures de revues et d'auteurs américains, à l'appui de sa correspondance avec Alfred Desrochers. Ils mentionnent aussi «les échanges de plus en plus nombreux entre les citoyens de la belle province (le Québec) et leurs compatriotes exilés du «Québec d'en bas.» Notons que Pierre Anctil est l'auteur du texte «La Franco-Américanie ou le Québec d'en bas» (2007)

Je rappelle ici que Victor-Lévy Beaulieu (VLB), qui a guidé notre lecture de Jack Kerouc, traite abondamment du Québec d'en bas. [Son essai, intitulé «Jack Kérouac», a été publié aux Éditions Trois-Pistoles, en 2005]

Dans son roman. Germaine Guèvremont parle de l'Acayenne et du Québec d'en bas. Ces passages ont une résonance, car on sait que Jack Kerouac est un Franco-américain (un Canuk) dont les parents canadiens-français (aujourd'hui, on dirait québécois) catholiques ont émigré à Lowell, Massachussets, c'était...le Québec d'en bas.

__On te demande (Survenant) si t'as eu vent à Sorel du gros accident?
__ Quel accident?
__ Apparence que trente-quelques personnes ont péri dans une exposion (explosion) à la station des chars (trains) du Pacifique, à Montréal.
__ Ah oui! L'Acayenne m'en a soufflé mot (...)
(...)
__ Une personne de ma connaissance. [p.103].

Survenant: «L'Acayenne, de son vrai nom Blanche Varieur»
__«Mais d'où qu'elle sort pour qu'on l'appelle l'Acayenne?
Survenant: «Ah! elle vient de par en bas du Québec, de quelque part dans le golfe.» [p. 188].

Fin du voyage
À la lumière de ce qui a été dit, je n'hésite pas à inscrire Survenant dans la filière américaine, précurseur de Jack Kerouac. À la différence de celui-ci, il est un personnage, et non pas une personne. Mais sa nature complexe, et unique, lui donne un caractère humain indéniable. Il n'est pas étonnant que Survenant ait atteint le statut de mythe.

Je vous quitte sur ces deux belles déclarations d'amour. Celle de Survenant à Angélina, dans une scène d'adieu déchirante; et, celle de Germaine Guèvremont à «son» Survenant, magnifique!

«Si tu voulais, Survenant... Tendrement il emprisonna un moment dans les siennes les mains qui s'accrochaient à lui et y enfouit son visage.
D'une geste brusque, il se dégagea et, la voix enrouée, il dit: Tente-moi pas, Angélina. C'est mieux.» À grandes foulées, il se perdit dans la nuit noire.» [p. 196].


Plus qu'un homme, le Survenant est l'île de nostalgie, de déraison, d'inaccessible, d'inavouable
---et pourtant d'humain--- que chacun porte en soi.
L'ïle perdue.

Germaine Guèvremont

__
* Hélène Destrempes et Jean Morency, «Américanité et modernité dans le cycle du Survenant», à l'adresse...
Principales sources: «Le Survenant», Germaine Guèvremont, Bibliothèque québécoise, 1990, 219 pages, ainsi que la présentation du roman par Yvan G. Lepage, intitulée «Genèse d'un mythe», p.7-p.17.
Autres sources:
__ Pierre Anctil, «La Franco-Américanie ou le Québec d'en bas», erudit.org
__ L'article de Thomas Flamarion, «Cent ans sous les semelles: Trilogie de l'asphalte: London, Kerouac, Mc Carthy», qui a inspiré ma démarche.
__ Victor-Lévy Beaulieu (VLB), «Jack Kérouac», Éditions Trois-Pistoles, en 2005.
Rappel: La traduction anglaise qui aura pour titre: «Monk's Reach» (1950). En américain, le titre sera «The Outlander» (1950). En France, «Le Survenant» sera publié chez Plon, coll. «L'Épi», dirigée par le philosophe et écrivain Gabriel Marcel (1946)

samedi 3 octobre 2009

Qui êtes-vous... Survenant? (2)

Qui êtes-vous... Survenant? (2) «Survenant», personnage du roman «Le Survenant» de Germaine Guèvremont, est un précurseur de Jack Kerouac. Ce n'est pas rien! C'est un homme moderne qui s'inscrit dans la filière américaine formée, dorénavant, de Jack London, «The Road»; de Germaine Guèvremont, «Survenant» ; de Jack Kerouac, «On the Road»; de Cormac McCarthy, «The Road».

Lisons, liserons! Lisons ce roman, un classique de la littérature québécoise, d'un œil nouveau. «Tout le monde en parle», mais qui a lu «Le Survenant», d'une couverture à l'autre. Pour penser, dire, répéter, à tout vent et à tout venant, «c'est un roman du terroir»... c'est le réduire à sa portion congrue (L'avez-vous lu? Avez-vous sauté des pages? Ah! Ah! vous n'avez pas lu mon blogue...). Oui, il y a de «ça»... mais pas seulement «ça» (et le «ça» n'est pas le béret de Roland Barthes). «Survenant»: c'est lui qui est le pivot du roman, c'est sur lui que repose le roman; sans lui, le roman tombe à plat. Nevermind! dirait Survenant, je m'en vas ailleurs... « (...) pas même le temps de changer de hardes et je pars.» Survenant, un homme libre...

Qui êtes-vous... Survenant?
Survenant est un personnage à facettes: bourlingueur, homme de chantier et coureur des bois, aux allures d'Indien. Je poursuivrai, et terminerai en beauté, son portrait. En commençant, comme il se doit, par vous exposer «ma petite idée»...

Descendant du Français Beauchemin dit Petit
Dans les écrits. J'ai cherché, mais je n'ai pas trouvé d'écrits appuyant cette filiation du Survenant. Filiation tout à fait plausible que j'ai déduite du roman lui-même. Laissons donc «parler» le roman. [p.155 à p.158]

Dans le roman: Survenant s'adresse au père Didace: «Beauchemin... c'est comme rien, le premier du nom devait aimer les routes?»
Didace lui répond: «T'as raison, Survenant. Les premiers Beauchemin de notre branche tenaient pas en place. Ils étaient deux frères, un grand, un petit: mieux que deux frères, des vrais amis de cœur. Le grand s'appelait Didace. Le petit j'ai jamais réussi à savoir son petit nom. (...) Ils venaient des vieux pays. L'un et l'autre avaient quitté père, mère et patrie, pour devenir son maître et refaire sa vie. Ah! quand il s'agissait de barauder de bord en bord d'un pays, ils avaient pas leur pareil à des lieues à la ronde. (...) Ils sont arrivés au chenal, tard, en automne, avec, pour tout avoir, leur hache, et leur paqueton sur le dos. Et dans l'idée de repartir au printemps. Seulement pendant l'hiver, le grand s'est épris si fort d'amitié pour une créature qu'il a jamais voulu s'en retourner. (...) Il s'est donc marié, et c'est de même qu'on s'est enraciné au Chenal du Moine».

Alors, Survenant se mit à chantonner une vieille complainte, que Didace entonna à son tour. «Puis il (Didace) continua à raconter:
__ Tout ce qu'on a su de lui, c'est que, par vengeance, il a jamais voulu porter le nom de Beauchemin: Il s'est appelé Petit.
__ Petit! s'exclama le Survenant. Pas Beauchemin dit Petit.
__ Sûrement. Quoi c'est qu'il y a d'étrange là-dedans?
__ Ça me surprend parce qu'il y a eu des Petit dans notre famille.»

«Sa grand-mère était une Petit. Serait-il du même sang que les Beauchemin? À cela rien d'impossible. (...). Il (Survenant) se perdit en réflexions: "Pour refaire sa vie et devenir son maître": c'est ainsi que si peu de Français, par nature casaniers, sont venus s'établir au Canada, au début de la colonie, et que le métayage est impossible au pays. Celui qui décide de sortir complètement du milieu qui l'étouffe est toujours un aventurier. Il ne consentira pas à reprendre ailleurs le joug qu'il a secoué d'un coup sec. Le Français, une fois Canadien, préférerait exploiter un lot de la grandeur de la main qu'un domaine seigneurial dont il ne serait encore que le vassal et que de toujours devoir à quelqu'un foi, hommage et servitude. À son insu, il venait de penser tout haut. Didace n'en fit rien voir. Rempli d'admiration et de respect pour une si savante façon de parler, il écouta afin d'en entendre davantage, mais le Survenant se tut.»

En somme, ce passage est si éloquent qu'il se passe de commentaires. Cependant, il pourrait éclairer la réponse sibylline de Survenant à Amable au sujet de son habilité à réparer des raquettes -moyen de déplacement des Indiens pour marcher dans la neige épaisse.
__ De qui c'est que t'as appris ça, Survenant? lui demanda Amable.
__ De personne. Mon père, mon grand-père, mon arrière-grand-père l'ont appris pour moi. [p.119]

Ce passage pourrait répondre à cette question, toute simple: «De qui peut-il bien retenir (avoir des traits de ressemblance) pour avoir la bougeotte comme ça. Il ne tient pas en place!» Il... Survenant pourrait bien retenir de son ancêtre, Beauchemin dit Petit, venu de France....
Son arrière-grand-père a, probablement, côtoyé des Indiens -des Hurons, des Montagnais- de qui il aura appris beaucoup de choses... confectionner et réparer des raquettes, courir les bois, vivre en accord avec la nature, respirer un air de liberté... Il me semble que «ma petite idée» tient debout... sans avoir à s'appuyer sur un arbre...

Survenant est un personnage complexe et dense, tiraillé par des tensions intérieures.
Yvan G. Lepage écrit: « Le Survenant est un personnage infiniment complexe. Il a beau porter un mackinaw, avoir connu les chantiers et passer pour un «sauvage», il n'en demeure pas moins un homme éminemment moderne. Certes, il ne dédaigne pas la nature, mais c'est la ville qui l'attire, avec ses hôtels et ses plaisirs». [p.13]

Dans mon billet précédent, j'ai établi que Survenant est un coureur des routes, tout comme Jack London «The Road» et Jack Kerouac «On the Road». En cernant de plus près la «personnalité» de Survenant, nous arrivons à saisir pleinement son originalité et sa modernité. On sait que Jack Kerouac est un Canuck qui s'est américanisé, dans une certaine mesure, car il est demeuré essentiellement lui-même, dans sa vie comme dans ses livres, lesquels s'interpénétraient. Survenant, lui, aurait-il une part d'américanité?

Je répondrai à cette question dans mon prochain billet, qui marquera la fin de notre voyage. C'est un rendez-vous...

À très bientôt!

__
* Présentation par Yvan G. Lepage, intitulée «Genèse d'un mythe», p.7-p.17, du roman «Le Survenant» de Germaine Guèvremont, Bibliothèque québécoise, 1990, 219 pages.
**La traduction anglaise aura pour titre: «Monk's Reach» (1950). En américain, le titre sera «The Outlander» (1950). En France, «Le Survenant» sera publié chez Plon, coll. «L'Épi», dirigée par le philosophe et écrivain Gabriel Marcel (1946)
*** Hélène Destrempes et Jean Morency, «Américanité et modernité dans le cycle du Survenant», à l'adresse...
__ Pierre Anctil, «La Franco-Américanie ou le Québec d'en bas», erudit.org
Rappel: L'article de Thomas Flamarion, «Cent ans sous les semelles: Trilogie de l'asphalte: London, Kerouac, Mc Carthy», a inspiré ma démarche.

mercredi 30 septembre 2009

Qui êtes-vous... Survenant? (1)

Qui êtes-vous... Survenant? «Survenant», personnage du roman «Le Survenant» de Germaine Guèvremont, n'est pas un «quêteux»: on s'entend sur ce point. Je l'ai démontré dans mon précédent billet, et je suis certaine que vous en êtes convaincus. Mais «zencore» qui est-il? Nous verrons que Survenant est un homme moderne. Il est bien ce «Grand-dieu-des-routes», comme le désignent, justement, les gens de Chenal-du-Moine. Examinons donc, de plus près, ce qu'il en est.

Qui êtes-vous... Survenant?
Il n'y a pas de réponse simple ni directe à cette question. Survenant a carrément refusé de dire son nom au père Didace Beauchemin. Il a peu dévoilé de sa personne ou de sa vie. De ce fait, il demeure un être mystérieux, ce qui ajoute à son charme. Tout de même, un examen attentif du roman et d'écrits fiables permet d'établir son identité. Pour donner vie au Survenant, Germaine Guèvremont s'est inspirée de plusieurs modèles, et elle «aura longtemps tâtonné avant de créer le personnage inoubliable que nous connaissons (...)», écrit Yvan G. Lepage.*

Un bourlingueur
Dans les écrits: Dans les années 1910, Germaine Guèvremont a connu Bill Nyson: « (...) de cet ardent et aventureux Norvégien émanait une étrange séduction. Germaine avait vingt ans. Comme la Belle au bois dormant, elle attendait impatiemment le Prince charmant. Voilà qu'il faisait son apparition, paré du prestige du bel étranger, riche déjà des expériences que l'on acquiert en voyageant de par le monde.»*
Imaginez une jeune fille dans les années 1910 qui rencontrent un tel homme... il y a de quoi le garder dans son cœur toute sa vie, ce qu'elle fera... en silence. Car, le bel étranger épousera sa sœur aînée, s'enrôlera et retournera en Europe où sévit la Grande Guerre. La terrible Guerre de 1914-1918! Germaine Guèvremont a pris du temps à assumer cet amour secret: Bill Nyson compte pour une bonne part, dans la création de Survenant.*
La romancière a, d'ailleurs, doté Survenant d'une chevelure d'un roux flamboyant, d'une chevelure cuivrée.

Dans le roman: «Il cherchait encore [où il avait mangé du si bon bouilli], dans le vaste monde, nommant aux Beauchemin des villes, des pays aux noms étrangers qui leur étaient entièrement indifférents: le Chenal du Moine leur suffisait.» [p.45].

«Je pense que nulle part, j'ai resté aussi longtemps que par ici. Avant, quand j'avais demeuré un mois à un endroit, c'était en masse. Mais, au Chenal, je sais pas pourquoi.. Peut-être parce qu'il y a de l'eau que j'aime à regarder passer de l'eau qui vient de pays que j'ai déjà vus... de l'eau qui s'en va vers des pays que je verrai, un jour... je sais pas trop...» [p.168]

À propos du cirque venu à Sorel: « (...) Toute la jungle. Et le Far West. L'Asie. L'Afrique. Le monde. Le vaste monde. Et puis la route...» [p.172].

«Un soir, Didace, pour tirer du silence le Survenant évoqua l'épouvantable débâcle du mercredi saint de 1865. Dans le texte, on mentionne 4 fois que Survenant ne bronche pas. «Mais, sans même lever la vue, il se mit à parler à voix basse, comme pour lui-même, de l'animation des grands ports, quand ils s'éveillent à la vie du printemps, et surtout du débardage, un métier facile, d'un bon rapport, sans demander d'apprentissage. Il ne dit pas un mot du danger de l'homme de quai. (...) Il parla du débardage comme d'une personne aimée en qui on ne veut pas voir de défaut.» [p. 122]

Le père Didace demande à Survenant: «Survenant, dis-moi comment c'est que t'es venu à t'arrêter au Chenal?» Il répond: Ben... je finissais de naviguer... J'avais bu mon été... puis l'hiver serait longue...» [p. 159].

En somme, on voit bien que Survenant correspond au portrait du bourlingeur, tels Jack London et Jack Kerouac. Tout comme eux, il use ses semelles à parcourir les routes, chemins de terre, chemins d'asphalte, chemins d'eau... Ces trois bourlingueurs vont à la découverte de pays, de villes et de villages; ils vont à la rencontre des gens. Ils sont ici et là, partout et nulle part: ils sont ailleurs. Ils ont la bougeotte...

Un homme de chantier, un coureur des bois
Dans les écrits. Vers les années 1940, Germaine Guèvremont rencontre Alfred Desrochers. « (...) ce poète et critique littéraire, doublé d'un homme de chantier et d'un coureur des bois peut à bon droit être considéré, de l'aveu même de Germaine Guèvremont, comme le modèle le plus immédiat et le plus accompli du Survenant. (...). Bill Nyson avait envoûté la jeunesse de Germaine Guèvremont; Alfred Desrochers fut l'ami, l'inspirateur et le confident de sa maturité. Le Survenant est issu de la conjonction de ces hommes.» Le roman a été rédigé dans les années 1940, mais l'action se situe dans les années 1909-1910.* **

Dans le roman: «Je vous ai-ti parlé d'un couque dans un chantier du Maine? (...).» [p. 45]

«De la soupe à la perdrix! (...), mais jamais en soupe. Ou encore, comme je l'ai mangée en Abitibi. Le couque (...).» [p.46]

Survenant s'adresse à Amable: «Le bien paternel aura aidé à te pourrir. Avant toi, pour réchapper leur vie, les Beauchemin devaient courir les bois, ou ben ils naviguaient au loin, ou encore ils commerçaient le poisson.» [p.137]

Dès les travaux des champs terminés, Survenant ira à la chasse aux canards avec le père Didace. Au printemps, ils iront à la pêche ensemble. Survenant est tout à fait à l'aise dans ce milieu sauvage; visiblement, il s'y connaît. Il est sensible à la beauté de la nature. «Le Grand-dieu-des-routes renifla l'émotion [p.65]. De longues pages sont consacrées aux activités des deux «coureurs des bois»; à la description de la nature, sa faune, sa flore, ses odeurs, ses couleurs; à l'émotion que sa beauté suscite.
Il n'y a pas de doute, le modèle qui a inspiré, en partie, Germaine Guèvremont, c'est bien Alfred Desrochers (le père de notre Clémence).

Un homme aux allures d'«Indien»
Dans les écrits. L'Indien est un précurseur de Survenant. L'Indien Charles Jones, un personnage de Germaine Guèvremont, revient dans le conte «Un Sauvage ne rit pas», (1943) sous le nom de Johny Giasson. À ce moment-là l'auteure rédige «Le Survenant». Yvan G. Lepage écrit: «Il n'est pas douteux que Charles Jones annonce le Survenant». Germaine Guèvremont ose mettre dans la bouche de la «sage Mélusine» (sage... Ouf! l'honneur est sauf!) «J'aimais tout de lui: j'aimais son langage rude de coureur des bois, j'aimais sa voix aux intonations rauques, et ses cheveux au vent et sa belle tête nerveuse, et le grand corps bronzé qui oscillait comme un arbre dans la tempête.»*

Dans le roman: on se demande si Survenant ne serait pas un «Indien»: «Un jour, il (Survenant) découvrit dans le cabanon une vieille paire de raquettes qu'il voulut remettre en bon état... Il montra, à redresser le nerf, une adresse rare, et inconnu des gens du Chenal.
__ De qui c'est que t'as appris ça, Survenant? lui demanda Amable.
__ De personne. Mon père, mon grand-père, mon arrière-grand-père l'ont appris pour moi.
Sans se lasser, Didace le regardait travailler. Une fois de plus, l'origine de l'étranger l'obséda. Serait-il descendant d'Indien? Sa complexion de highlander le niait, mais son habilité et diverses caractéristiques l'affirmaient comme tel.» [p.119]

Didace doute... et nous aussi. La réponse de Survenant est ambigüe, la réflexion de Didace embrouille les pistes. J'ai ma petite idée à ce sujet... Vous verrez...
Ne manquez pas mon billet de demain...

__
* Présentation par Yvan G. Lepage, intitulée «Genèse d'un mythe», p.7-p.17, du roman Le Survenant de Germaine Guèvremont, Bibliothèque québécoise, 1990, 219 pages.
**La traduction anglaise aura pour titre: «Monk's Reach» (1950). En américain, le titre sera «The Outlander» (1950). En France, «Le Survenant» sera publié chez Plon, coll. «L'Épi», dirigée par le philosophe et écrivain Gabriel Marcel (1946)
*** Hélène Destrempes et Jean Morency, «Américanité et modernité dans le cycle du Survenant», à l'adresse: suivante: http://id.erudit.org/iderudit/018670ar
Rappel:
L'article de Thomas Flamarion, «Cent ans sous les semelles: Trilogie de l'asphalte: London, Kerouac, Mc Carthy», a inspiré ma démarche.

mercredi 16 septembre 2009

Survenant - Un coureur des routes

Survenant - Un coureur des routes. Pour savoir si Survenant, personnage pivot du roman «Le Survenant» de Germaine Guèvremont, s'inscrit dans la filière américaine «des coureurs des routes», il faut répondre à la question préalable: Survenant est-il, tout simplement, un quêteux qui parcourt les routes de la campagne du Québec au XIXe siècle? Un phénomène tout à fait courant. Si la réponse est affirmative, l'affaire est classée. Sinon, la première question demeure entière et exige un examen.

Bref rappel
La filière américaine comprend 3 auteurs incontournables: Jack London, «The Road»; Jack Kerouac, «On the Road», et Cormac McCarthy, «The Road», qui ferme la route sans issue -Dead end- avec ses personnages sans nom, l'homme et l'enfant. À 50 ans d'intervalle, ces trois grands auteurs nous racontent la vie sur la route. Avec Survenant, nous arrivons,à présent, au terme de notre «vagabondage» dans les livres.

Survenant n'est pas un quêteux.
De toute évidence, ce personnage romanesque ne correspond pas à la description du «quêteux» de métier, comme je l'ai décrit dans mon billet du 11 août 2009 (oui, la page existe). Bien sûr, il partage avec eux le goût de la liberté, le désir de ne pas s'attacher, de parcourir les routes. Comme eux, il raconte des histoires, il chante, il joue d'un instrument (piano et harmonium, alors que le quêteux joue de l'harmonica). Comme eux, il attire les gens d'alentour qui s'empressent de venir à la veillée.

Cependant, ces points communs ne sont pas suffisants pour faire de Survenant un quêteux. J'en veux pour preuve que Jack London et Jack Kerouac partagent, chacun à sa manière et en son temps, ces mêmes points communs. Ce qui, cela va de soi, n'en fait pas, pour autant, des «quêteux». Ils sont des «coureurs des routes».

Jack London, Jack Kerouac et Survenant ne quêtent pas. Mais, ils peuvent, à l'occasion, demander à manger. par exemple:
__ «Il (Survenant) frappe à la porte des Beauchemin qui s'apprêtaient à souper (...). C'était un étranger de bonne taille, jeune d'âge, paqueton au dos, qui demandait à manger». [p. 19]. Ce sera la première et dernière fois.

__ Jack London, tenaillé par la faim, ruse afin qu'on lui donne à manger. Dans son chapitre «Confession», il s'en explique.
«There a woman in the state of Nevada [Reno] to whom I once lied continuously, consistenly, and shamelessly, for the matter of a couple of hours. I don't want to apologize to her. Far be it from. But I do want explain. Unfortunately, I do not know her name, much less her present address. If her eyes should chance upon these lines, I hope she will write to me. (...). It was the hungry hoboes that made the town a "hungry" town [Il fait référence à l'«armée» de chômeurs du «général» Kelly]. They "battered" the back doors of the homes of the citizens until the back doors became unresponsive. (...). I was hungry (...). At the first glimpse of her kindly face I took my cue. I became a sweet, innocent, unfortunate lad. [Bref, il joue la comédie à cette femme afin de l'attendrir pour qu'elle lui donne à manger; ce qu'elle fera].

__Jack kerouac, lui, lorgne le lunch d'un bon samaritain: «Le type qui me prit à bord de sa bagnole était hâve et décharné, il croyait à l'action bienfaisante sur la santé d'une inanition contrôlée. Quand je lui dis, comme nous roulions vers l'Est, que je crevais de faim, il dit: "Parfait, rien de meilleur pour vous. Moi-même je n'ai pas mangé depuis trois jours. Je suis en route pour vivre cent cinquante ans". Je dévorai [des sandwiches donnés, enfin, par le type] (...). Tout à coup, je me suis mis à rire. J'étais seul dans l'auto à l'attendre (...) et je ne pouvais m'arrêter de rire.»

Il arrive que le quêteux travaille une journée ou deux pour l'habitant en échange de sa nourriture. Mais, il dort sur ou dans le banc de quêteux -jamais dans un lit- ou dans la grange. Ce n'est pas le cas de Survenant. Il offre ses services d'homme engagé au père Didace Beauchemin: «Si vous voulez me donner à coucher et à manger [et un peu de tabac], je resterai. Je vous demande rien de plus. Par même une taule. Je vous servirai d'engagé. (...)» [p.21-p.22]. Par un geste, le père Beauchemin accepte. Survenant occupera une chambre dans la maison, boira avec le gobelet, et se lavera au lavabo.

Lorsque, un peu plus tard, le père Didace fera allusion à la rareté de l'ouvrage, Survenant lui dira promptement: «Écoutez le père Beauchemin, vous et vos semblables. Prenez moi (sic) pas pour un larron ou pour un scélérat des grands bois. (...) Partout où je passe, j'ai coutume de gagner mon sel, puis le beurre pour mettre dedans (sic). Je vous ai offert de me garder moyennant asile et nourriture. Si vous avez pas satisfaction, dites-le: la route est proche. De mon bord, si j'aime pas l'ordinaire (la nourriture), pas même le temps de changer de hardes et je pars.» (...) «Reste le temps qu'il faudra», lui répond le père Didace Beauchemin. [p.43-p.44].

Il ne viendrait pas à l'idée d'aucun habitant de traiter un quêteux comme on traitait Survenant. D'ailleurs, ni Amable (le fils) ni Alphonsine (la belle-fille), qui ne peuvent pas le blairer et se montrent mesquins, ne le traitent comme un quêteux. Ils voient en lui un homme engagé. Il en est de même pour les gens du Chenal-du-Moine y compris ceux qui le détestent.
«De jour en jour, pour chacun d'eux (les gens du Chenal), il devient le Venant à Beauchemin [sans qu'Amable proteste]. Le père Beauchemin ne jure que par lui. L'amitié bougonneuse d'Alphonsine (manifestée plus tard) ne le lâche pas. [Le chien] le suit mieux que son maître.» Pour tous, il fait partie de la maison. Il y restera une année.

En terminant...
J'espère vous avoir convaincu: Survenant n'est pas un quêteux, comme on le dit et le répète à tout vent. À défaut, probablement, d'une perspective plus large... et d'aller voir du côté des écrivains américains.

Il reste à savoir ce qu'il est... Il reste à savoir s'il s'inscrit dans la filière américaine...
Ce sera l'objet de mon prochain billet, sous peu... Il me faut accélérer la cadence, des livres attendent leur tour avec impatience.
À bientôt donc!

lundi 7 septembre 2009

The Road - Cinéma... Cinéma!

«The Road» de Cormac McCarthy, le roman, revient dans l'actualité par le biais du film de John Hillcoat, présenté à la Mostra de Venise. «"The Road" retente le saut périlleux de la littérature au cinéma», écrit l'envoyé spécial du journal Le Monde. «Les grands livres sont-ils adaptables au cinéma?», se demande-t-il. Ce qu'il reste à voir... en voyant le film. Pour l'heure, examinons ce qu'en disent Le Monde et l'Agence France-Presse (AFP), dans leur compte rendu respectif.

Les acteurs et l'actrice.
John Hillcoat -hagard, le visage émacié- et Mads Mikkelsen incarnent l'homme et l'enfant, le père et son jeune fils. Dans le roman, ils ne portent pas de nom et leur physique n'est pas décrit: ce sont deux «êtres» qui errent dans un monde qui n'existe plus. Ils errent dans un no man's land, obligés de se protéger contre les hordes sauvages. L'humanité a régressé au point de pratiquer le cannibalisme.

«Il faut savoir gré à John Hillcoat d'avoir évité de récupérer ce récit en film de genre, avec surenchère de scènes d'horreur et d'effets spectaculaires. Le cinéaste a intégré la leçon de Jacques Tourneur et use intelligemment du hors-champ, réduisant au minimum la vision des forfaits barbares.» (Le Monde)
Des forfaits qui sont, à mon avis, à la limite de l'insupportable dans le roman. Ces scènes d'horreur, je le précise, sont essentielles dans le roman.

Charlize Theron joue le rôle de la mère de l'enfant. Elle se suicide par désespoir. Seuls au monde, le père et l'enfant prennent la route, à pied et se dirigent vers le Sud, espérant y trouver leur salut. Mais... le bleu du ciel ne sera pas au rendez-vous... Une fin dure, bouleversante, et qui m'a chavirée. Seulement à y repenser, les larmes me montent aux yeux. La route a été longue et pénible, ces deux êtres attachants feront face à un «dead end».

Le Monde souligne le rôle de «Robert Duvall en vieil homme errant, méconnaissable.»

Les images
«Souvent très retouchés par ordinateur ou entièrement numériques, les paysages au ton gris métallique sont d'une grande beauté» (AFP)
Le Monde parle de «climat visuel»: «L'essentiel de son travail (John Hillcoat) a été de créer un climat visuel.» Mais avec quels procédés cinématographiques? Quels résultats sur l'écran? Ces questions restent en suspens.

La musique
«Sobre, mais obsédante, la musique originale composée par Nick Cave contribue avec efficacité à l'atmosphère angoissante du film»

Les flashbacks
«Resserrant la narration et ajoutant quelques flashbacks mettant en scène un univers familial harmonieux d'avant la catastrophe qui était absent du roman, il gomme l'ambiance énigmatique tissée par McCarthy.» (AFP)
Quid? On en rajoute et on gomme!

Pour Le Monde: L'homme et l'enfant «traumatisés par le suicide de la mère de famille dont l'obsédante présence est évoquée en flash-backs lumineux (...)».

Lumineux, peut-être, mais ajoutés et sans aucun rapport avec le roman. Un gommage pour alléger le roman? Je vous le dis, tout de go, un film qui ne rend pas rend pas l'atmosphère (l'ambinace) d'un roman: je déteste.
Dans ce cas de «The Road» de Cormac McCarthy: c'est une trahison.

Au début de l'article, on lit : Le réalisateur s'est fixé comme objectif de rester le plus fidèle possible à l'esprit du livre»
Hein! Qu'est-ce que veut dire le «plus fidèle possible»?

J'ai gardé au creux de l'oreille, la réplique de Arletty à Louis Jouvet dans l'Hôtel du Nord (1938), de Prévert et Carné.
__ «J'ai besoin de changer d'atmosphère.» (Monsieur Edmond)
__ «Atmosphère! Atmosphère! Est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère?» (Raymonde)

La conclusion des comptes rendus
L'Agence France Presse. «Mais au final le cauchemar mis en scène par The Road ne bouleverse pas le spectateur.»

Le Monde. «John Hillcoat s'attache aux rapports père-fils, à la veine philosophique de propos, à sa portée métaphorique. Car The Road est une invitation à s'interroger sur les réflexes de l'être humain, ses pulsions de sauvagerie (...)», etc.
La veine éducatrice du père, que la situation pousse à partager de façon primaire le monde entre les bons et méchants, est "réformée" par la vision plus charitable du gamin, qui pousse l'adulte à ne pas laisser des innocents démunis au bord du chemin.

Ma conclusion
Me basant sur les deux comptes rendus, j'en arrive à conclure que le film, sans les ajouts et sans le gommage, aurait pu réussir -haut le jambe- le saut périlleux de la littérature au cinéma. À présent, j'en doute fort.

Une question se pose: à qui s'adresse le film? À ceux et celles qui ont lu le roman? Au public qui ne l'a pas lu et que l'on craint d'effrayer? D'ennuyer même... Il doit bien y avoir une explication, tout de même.

En terminant, je vous réfère aux deux billets que j'ai consacré au roman «The Road» de Cormac McCarthy, ici sur Livranaute, les 13 et 14 juin 200. Le premier est intitulé «The Road. La filière américaine (3)» ; le deuxième, est un extrait.

Ceci dit, je vous invite à voir la bande-annonce du film: The Road.

Je remercie tous ceux et celles qui me lisent. Un gros merci! À bientôt pour la conclusion sur «Le survenant».

mardi 11 août 2009

Survenant est-il un quêteux?

Certains auteurs de textes, publiés sur Internet, affirment sans ambages que Le Survenenant est un quêteux. Pour eux, cela semble aller de soi. Précisons: Le Survenant est le titre du roman de Germaine Guèvremont, et Survenant ou le Survenant désigne le nom du personnage principal. Cette clarification n'est en rien byzantine, car elle permet d'éviter des ambiguïtés dans le discours. Cela posé, abordons de front la question: Survenant est-il un quêteux, sans rapport avec Jack London ou Jack Kerouac, s'inscrivant dans le paysage du Québec vers les années 1909-1910?

Le quêteux est un mendiant. À la belle saison, il parcourt la campagne demandant le gîte et le couvert aux «habitants». Il leur demande l'aumône «pour l'amour de Dieu». Sales et pouilleux, on les fait dormir soit dans le «banc du quêteux», soit dans la grange - et on prie le Ciel pour qu'il n'y mette pas le feu. Même les pauvres lui donnent à manger et, bien souvent, il repart avec quelques victuailles. En retour, certains aident durant un ou plusieurs jours aux travaux de la ferme. D'autres reprennent la route avec un «Dieu nous bénisse» ou un «Dieu vous le rendra».

Le quêteux est une vraie «gazette». Il colporte les nouvelles d'un village à l'autre, d'une maison à l'autre. Mariage, naissance, décès, incendie, accident... tout y passe. Au plus fiable, on confie des lettres ou des messages verbaux, à l'image d'Olivier Chouinard, dans le roman de Louis Fréchette. Un homme de confiance, simple, un illettré qui livrait les lettres ou colis qu'on lui confiait, un facteur avant la lettre... Un personnage haut en couleur ayant réellement existé, ce quêteux parcourait le territoire du Bas-du-fleuve, en toutes saisons.*

Le quêteux pouvait s'adonner au commérage, répandant des ragots... peu charitables. En verve, et peu scrupuleux, il n'hésite pas à faire bruire la maison de l'habitant «de cent médisances, ragots et calomnies». En général, toutefois, le quêteux se contente de rapporter les nouvelles d'une maison à l'autre, d'un village à l'autre. Il raconte des histoires, des contes, en y mettant son grain de sel: cent fois racontés, cent fois réinventés. Il chante ou joue de l'harmonica - de la «ruine-babines». Il désennuie la maisonnée à laquelle se joignent, parfois, des voisins qui viennent veiller comme chez les Beauchemin, dans Le Survenant.

À l'opposé, il y a le «mauvais quêteux. Effronté, grossier, vicieux même, il tente de faire la loi. La femme et les enfants seuls à la maison en ont une peur bleue, et pour cause. Celui-là est mécontent de tout ce qu'on lui offre, en exige davantage et du meilleur. Il leur lance des injures et les menace. Il va jusqu'à jeter des sorts pour effrayer les gens -souvent superstitieux- de la maison.
C'est le type du quêteux crasseux, pouilleux, hargneux, ivrogne, souvent ivre, toujours violent. Celui-là, on cherche à s'en débarrasser au plus vite, ou bien on le chasse manu militari, si cela est possible. On le redoute, car on craint une vengeance, par exemple qu'il revienne sournoisement pour mettre le feu aux bâtiments.

Parmi les quêteux, on peut distinguer deux groupes. Le «quêteux de métier» qui correspond, somme toute, au portrait que je viens d'esquisser. Pour lui, parcourir «le pays» est un mode vie. Il ressemble à Jambe-de-bois dans «Les belles histoires des Pays d'en haut» de Claude-Henri Grignon, série télévisuelle qui connaît un grand succès d'une génération à l'autre. Auparavant, l'émission radiophonique, sous le titre «Un homme (Séraphin, l'avare) et son péché», avait largement contribué à faire connaître le roman de Grignon.
Ce quêteux de métier parcourt «son territoire». L'intrus est malvenu: il tente de le dissuader de rester ou le fait chasser avec l'aide du maire, du curé et avec l'appui des gens. On veut en limiter le nombre, car la paroisse ne pourrait en supporter plusieurs. En somme, le maire pense aux taxes, le curé à la dîme et à ses bonnes œuvres, le notaire et les marchands aux impayés, et l'habitant, souvent pauvre, pense à leur famille.

L'autre groupe est formé de «quêteux occasionnels». Celui qui est frappé par le malheur: le sans-abri, chassé de chez lui à cause de l'incendie de sa maison ou d'une reprise d'hypothèque; le criblé-de-dettes, le sans-emploi. Ce quêteux se sent humilié et ne souhaite pas mieux que de cesser de «quémander», de demander la charité.
À ce groupe, j'ajoute ceux que l'état mental ou physique jette sur les routes: le simple d'esprit, le handicapé, l'accidenté. Les uns finiront par être hébergés, les autres trouveront un travail qui convient à leur état: ce sont les chanceux. Les autres, les laissés-pour-compte, sont condamnés à l'errance... ce sont de pauvres malheureux.

Survenant, lui, est-il un quêteux? Si oui, quel type de quêteux. Si non, marche-t-il sur les traces de Jack London ou de Jack Kerouac?
C'est à ces questions que je tenterai de répondre dans mon prochain billet. C'est un rendez-vous...

À bientôt donc! Et merci de me lire...
___
*Louis Fréchette, Originaux et Détraqués, récits.

samedi 1 août 2009

En aparté - Pour saluer Anne Franck

En aparté... Survenant voudra bien nous attendre au bord de la route, au Chenal-du-Moine: le temps de saluer l'entrée du Journal d'Anne Frank au Registre UNESCO de la Mémoire du Monde. Parmi une foison de documentaires, d'entrevues, de commentaires, de résumés, d'extraits tirés du livre ou même chantés, de vidéos, et caetera, etc., j'ai choisi la lecture d'un extrait du Journal, lu par Audrey Hepburn.

Un court moment de lecture
pour saluer Anne Frank et tous les hommes, femmes et enfants que la Grande Bêtise, armée d'une implacable haine, a poursuivi jusqu'à la mort, sans trêve et sans merci.


vendredi 31 juillet 2009

Le Survenant - Germaine Guèvremont

Survenant, personnage central du roman, Le Survenant de Germaine Guèvremont, paru en 1945, s'inscrit-il dans la filière américaine? Est-ce qu'il y a des points communs entre Survenant, Jack London et Jack Kerouac? Survenant est-il, tout simplement, un «quêteux» qui parcourt les routes de la campagne du Québec au XIXe siècle et début XXe siècle? Un phénomène courant à cette époque.
C'est sous cet angle que j'aborderai l'analyse et la critique de ce roman, un classique de la littérature du Québec. Pour l'instant, mettons la table.

En premier lieu, reprenons la trame de cette filière américaine amorcée sur Livranaute en juin 2009, qui a fait l'objet de plusieurs billets. Trois auteurs, trois livres incontournables.

(1)__ The Road de Jack London, publié en 1907. C'est le récit des aventures et des vagabondages de Jack-the-Sailor, un double de l'auteur. Jack London parcourt son pays à pied ou à bord des trains. Il brûle le dur, voyageant illégalement à bord des trains ou dans les wagons de marchandises. À cette époque, en 1893, les chômeurs réclament du gouvernement américain qu'il construise des routes, et leur donne du travail. London se rallie, quelque temps, à cette «armée» de chômeurs et de laissés-pour-compte, commandée par le «général» Kelly. Puis, il reprend la route pour continuer son vagabondage. Il pousse une pointe au Canada, à Montréal (Québec) et à Niagara Falls (Ontario) où il sera arrêter pour vagabondage; puis il est extradé vers les États-Unis pour purger sa peine dans une prison de Buffalo. Quatorze ans plus tard, s'appuyant sur son journal de notes, ses expériences et vagabondages, il écrit The Road. Ce livre marquera les esprits et inspirera la jeunesse revendicatrice de son époque, et Jack Kerouac...

(2)__ On the Road. Sur la Route de Jack Kerouac, publié en 1957. Sous le nom de Sal Paradise, Jack Kerouac raconte ses errances sur les routes de son pays et celles du Mexique. Mais, le héros de ce roman n'est pas Sal Paradise, c'est Dean Moriarty -le double de Neil Cassidy. Ils parcourent des kilomètres et des kilomètres en auto -celle de Dean ou celle d'amis. Il erre sur les routes dont la mythique 66 reliant Chicago à Los Angeles, se déplaçant en auto-stop, à pied ou en brûlant le dur comme Jack London. Dans son roman, Kerouac raconte ses errances sur la route, seul ou avec Cassidy, de 1948 à 1956, dans un style personnel marqué par un tempo jazz qui résonnera à l'oreille et au coeur de la génération d'après-guerre. Il touchera des millions de lecteurs et inspirera toute une jeunesse qui prendra la route avec son livre sous le bras. Il marquera toute une génération nommée la «Beat Generation».

(3)__ The Road. La Route de Cormac McCarthy, publié en 2007. Cinquante ans plus tard, il n'y a plus de trains, plus de routes, plus d'autos. Il n'y a plus rien. Plus personne -digne de ce nom- sauf un homme et un enfant qui marchent vers le Sud, espérant y trouver leur salut. C'est le chemin de la désolation après une terrible catastrophe. Nous sommes dans une impasse, impossible de continuer par la route. Dead End.

Le roman: Le Survenant de Germaine Guèvremont.
L'histoire se déroule au Chenal-du-Moine*, un village de la paroisse Sainte-Anne-de-Sorel, situé près du lac St-Pierre. La vie des habitants de ce village, en 1909-1910, est rythmée par les saisons, et les travaux de la ferme ou la chasse. La nature y est donc omniprésente: la terre, l'eau, la flore, la faune. Les habitants de ce lieu vivent, en quelque sorte, en symbiose avec la nature. Et plusieurs d'entre eux en disent la beauté, pieds sur terre, regard attendri, nez au vent.

Le pivot du roman est l'arrivée, un soir d'automne 1909, à la brunante, d'un «étranger de bonne taille, jeune d'âge». Il frappe à la porte des Beauchemin qui s'apprêtent à souper, et demande à manger. Le père Didace l'invite à s'attabler et lui donne, d'emblée le nom de «Survenant». Didace tient à ce nom, il ignore celui de «Venant» comme on l'appelle parfois.
Au bout de quelques jours durant lesquels Survenant travaillent avec les hommes, Didace et son fils Amable, «Didace finit par lui demander: «Resteras-tu longtemps avec nous autres?» - «Quoi! Je resterai le temps qu'il faut.» [p.21]

Didace veut savoir son nom, savoir d'où il vient. «Je vous questionne pas, reprit l'étranger. Faites comme moi. J'aime la place. Si vous voulez me donner à coucher, à manger et un tant soit peu de tabac par-dessus le marché, je resterai. Je vous demande rien de plus. Pas même une taule. Je vous servirai d'engagé et appelez-moi comme vous voudrez.» - «Pour tout signe de consentement, la main du vieux s'abattit sur l'épaule du jeune homme.» [p.21-p.22]
(...)

«Mais la première fois que le père Didace fit allusion à la rareté de l'ouvrage (...), il sut que son heure était venue de parler franchement ou de repartir:
«Écoutez, le père Beauchemin, vous et vos semblables. Prenez moi (sic) pas pour un larron ou pour un scélérat des grands bois. Je suis ni un tueur ni un voleur. Et encore moins un tricheur. Partout où que je passe, j'ai coutume de gagner mon sel, puis le beurre pour mettre dedans (sic). Je vous ai offert de me garder moyennant asile et nourriture. Si vous avez pas satisfaction, dites-le: la route est proche. De mon bord, si j'aime pas l'ordinaire (la nourriture), pas même le temps de changer de hardes et je pars.»
(...) «Reste le temps qu'il faudra.» [p.43-p.44]
Survenant passera un an chez les Beauchemin. Il ne quittera la maison du père Didace qu'à l'automne 1910, partant comme il est venu. Mais n'anticipons pas.

La présence de l'étranger dont on ne sait rien, même pas son nom, dérange. Au premier chef, le fils de Didace, Amable, et sa femme Alphonsine. Amable est un mou, un paresseux «sans vaillance à l'ouvrage», geignard et déplaisant, au physique ingrat. Survenant, un homme jeune, de forte stature, travailleur et brave, aimé du père Didace, lui fait ombrage. Amable le prend vite en grippe et trouve sans cesse matière à le dénigrer, il en vient, en peu de temps, à le détester carrément.
«(...) Amable et Alphonsine eurent beau être vilains avec lui, il (Survenant) ne s'offensa ni de leurs regards de méfiance ni de leurs remarques mesquines.» [p.43]

La haine d'Amable ne s'épuisera pas après le départ de Survenant, lui qui, pourtant, est toujours éreinté... L'estime qui existe entre le père Didace et Survenant, en qui il voit le fils qu'il aurait aimé avoir, attise la haine d'Amable, lui, le fils mal-aimé -et peu aimable- relégué au second plan.
«(...) Depuis un an, il (Survenant) fait la loi au Chenal du Moine. Icitte, il était comme le garçon de la maison. Ben plus même.(...)» (p.210]
Contrairement à son mari, Alphonsine finit par développer pour Survenant une «amitié bougonneuse». Elle prendra même la défense de Survenant lorsqu'Amable le dénigre de plus belle après son départ. «C'était toujours ben un cœur en or, prêt à tout donner, affirma Alphonsine. Il avait rien à lui.» [p.209]

Les antagonismes qui se manifestent au sein de la famille Beauchemin se retrouvent dans la société du Chenal du Moine. Détesté par les uns, notamment les Provençal et les Salvail, apprécié par les autres, Survenant ne laissait personne indifférent. Même pas les gens qu'il croisait par hasard. Tout compte fait, seules deux personnes l'aiment pour ce qu'il est: le père Beauchemin et Angélina Desmarais, sa voisine. Tous deux sentiront un immense vide et une profonde ennui après son départ. Nous y reviendrons.
Il suffit ici d'ajouter un mot sur Angélina. Dès la première fois qu'elle voit Survenant, elle en tombe amoureuse. «La Noire», comme la surnomme affectueusement Survenant, occupe une place dans le cœur de ce «Grand-dieu-des-routes» qui prend garde de ne pas trop s'attacher à elle, se limitant à une douce et sincère amitié. Et pour cause:
«(...) Ceux du Chenal ne comprennent donc point qu'il porte à la maison un véritable respect qui va jusqu'à la crainte? De jour en jour, pour chacun d'eux, il devient davantage le Venant à Beauchemin: au cirque, Amable n'a même pas protesté quand on l'a appelé ainsi. Le père Didace ne jure que par lui. L'amitié bougonneuse d'Alphonsine ne le lâche pas d'un pas. Z'Yeux-ronds (le chien) le suit mieux que le maître. Pour tout le monde il fait partie (sic) de la maison. Mais un jour, la route le reprendra...» [p.191-p.192]
Et Survenant le sait mieux que personne...
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* Chenal-du-Moine, avec ou sans trait d'union? Dans le roman: sans trait d'union. Ailleurs, la plupart du temps: avec trait d'union. Germaine Guèvremont me pardonnera d'utiliser le trait d'union car il évite d'étirer le mot, et de faire des trous dans le texte... Nous en avons bien assez sur nos routes.

jeudi 30 juillet 2009

Jack Kerouac - Le testament est un faux!

Le testament de Gabrielle (Lévesque) Kerouac, mère de Jack Kerouac et son héritière, en faveur de Stella Sampas Kerouac, la 3e épouse de Kerouac, est un faux! Il a été forgé de toutes pièces. « A forged, fraudulent, fake will...» C'est par ce biais, peu glorieux, que Kerouac fait la une de l'actualité littéraire, et judiciaire. Fort peu de journalistes en profitent pour parler de son œuvre: on court au plus pressé et on fait ça court... Au suivant! Qu'à cela ne tienne, d'autres s'en chargent.

Le jugement rendu par le juge Georges W. Greer (Tribunal de la Floride) est sans équivoque: le 13 février 1973, Gabrielle Kerouac était dans l'incapacité physique de signer le testament qui porte cette date.
«Clearly, Gabrielle Kerouac was physically unable to sign the document dated February 13, 1973 and, more importantly, that which appears on the will dated that date is not her signature.»

L'avocate Elaine McGinnis affirme que tous ceux qui pourraient être impliqués dans cette fraude étant morts, on ne saura jamais qui sont les coupables. Le mystère demeurera entier. Le raisonnement est un peu court. On trouve dans les annales judiciaires, et dans l'Histoire, des révélations concernant des actes frauduleux ou criminels commis des années auparavant. En général, tout se sait, tout finit par se savoir, car il y a -quasiment- toujours quelqu'un qui sait... L'homme est un animal raisonnable... mais bavard: il a le don de la parole et il s'en sert à raison et à tort.
Elaine McGinnis est l'avocate des plaignants Jan Kerouac (Janet Michelle Kerouac), fille de Joan Haverty, sa 2e épouse et fille unique de Jack Kerouac. Après le décès de Joan Kerouac, son cousin Paul Blake Jr et neveu de Kerouac a repris le flambeau.

À son décès, le «faux» héritage de Stella Sampas passe aux mains de la famille Sampas qui, depuis, encaisse les droits d'auteurs de Jack Kerouac, les produits de la vente de ses biens personnels au plus offrant, par exemple, la vente de son imperméable. Elle a vendu le manuscrit sur rouleau de On the Road ( 1957) au propriétaire de «Indianapolis Colts» pour 2,43 millions. Mais ne nous indignons pas: «The Sampasses have previously said their aim was not to profit», a déclaré un porte-parole de la famille Sampas.
Des vrais pince-sans-rire! Durant ce temps... Paul Blake Jr., le neveu de Kerouac, vivait dans un complet dénuement.

Plutôt que de vendre les oeuvres et les biens de son oncle à la pièce, Joan Kerouac souhaitait qu'ils soient cédés à une bibliothèque qui s'en porterait acquéreuse, selon Gerard Nicosia, un biographe de Kerouac et ami de Jan Kerouac.

Peu de temps avant de mourir, Jack Kerouac a écrit une lettre à son jeune neveu, Paul Blake Jr, exprimant sa volonté de laisser son œuvre et ses biens à sa mère, et... «And not to leave dingblasted (two expletives) things to my wife's one hundred Greek relatives.» Kerouac a dû se retourner dans sa tombe...lorsque l'héritage est passé entre les mains de la famille Sampas.

Décidément, le sort s'est joué de lui deux fois plutôt qu'une... Il n'a pu retracer ses origines bretonnes, et le trésor de l'ancêtre a échappé à ses ayants-droit.

Sur mon billet du 12 juillet 2009, citant Le Télégramme.com, j'ai écrit:
«À la suite d'une procédure criminelle, et un refus de paternité, M. Le Bihan se Kerouac, qui résidait à Huelgot s'est expatrié au Canada (en fait, c'est son père qui, ayant reçu une lettre de cachet, l'oblige à sortir du pays), modifiant en vol son patronyme en Le Bris de Kerouac». Le livre de Patricia Dagier et d'Hervé Quéméner révèle que l'ancêtre possédait un trésor dans le Centre-Bretagne. «Mais Urbain-François le Bihan s'était ingénié à monter une fourberie pour que sa progéniture ne puisse jamais devenir son ayant droit.» Il a réussi. Quand Patricia Dagier a découvert le pot aux roses, les Kerouac du Québec ont appris qu'il y avait prescription.

Pour sa part, Jack Kerouac avait fait deux voyages en France, en 1957 et en 1965 pour retrouver, tout simplement, ses racines bretonnes vantées par son oncle Mike et son père. Il ne trouvera rien, d'où son retentissant «Ciboire, j'pas capable trouver ça.», dans Satori in Paris. Patricia Dagier, généalogiste, a dû mener une enquête serrée pour retracer cette filiation bretonne qui la mènera au trésor... inaccessible.

À présent, que justice a été rendue dans son pays, que ses ayants-droit ont été reconnus, et que les imposteurs ont été chassés du Temple, Jack Kerouac peut reposer en paix dans son Nirvana éternel, au milieu des Clochards célestes.

R.I.P.

Pour terminer en beauté, écoutez Jack Kerouac qui nous fait la lecture d'une voix cadencée, «écoutez» mon billet du 14 juillet 2009.
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R.I.P. En latin: Requiescat in pace. - Qu'il repose en paix. En anglais: Rest in Pace - Repose en paix.
À ce que j'ai déjà lu, au cours de la guerre de Sécession américaine, un général sudiste enterrait -faisait enterrer- ses soldats morts au combat. Une croix de bois sommaire surmontait la sépulture. On le surnomma le général RIP.
Source des informations: Google, et les liens avec des articles d'actualité reliés au même sujet.
Autres source ssur Internet: Le Télégramme.com; Dharma Beats; La fiche du livre de Patricia Dagier et d'Hervé Quéméner, Jack Kerouac. Breton d'Amérique, publié aux Éditions Le Télégramme.
Volume: Kérouac, essai de Victor-Lévy Beaulieu, Éditions Trois-Pistoles.

mardi 14 juillet 2009

Jack Kerouac Reads from On the Road

dimanche 12 juillet 2009

Jack Kerouac, un Breton d'Amérique - Patricia Dagier/Hervé Quéméner

«Ciboire, j'pas capable trouver ça»*, écrit Jack Kerouac, dans Satori à Paris. Jack Kerouac a fait deux voyages en France, en 1957 et 1965, pour retrouver ses racines bretonnes, mais en vain. Pourtant, son père lui disait: «Ti-Jean n'oublie jamais que tu es breton»*. Son oncle Mike lui parlait de: «(son) ancêtre, l'honorable soldat, baron Louis Alexandre Lebris de Duluoz...»*
D'ailleurs, Jack Kerouac dit: «... (...) je suis un démocrato-cornoualo-bretono-aristo-américano-iroquo-canadien-français!»* C'est, justement, cette affirmation qui a guidé mes trois billets biographiques intitulés Qui êtes-vous... Jack Kerouac? (se référer aux billets du 21 juin 2009 et aux deux suivants).
La recherche de sa filiation bretonne n'a pas abouti, d'où son retentissant «ciboire», bien québécois. Et pour cause.

Patricia Dagier, généalogiste, a dû mener une enquête serrée pour retracer cette filiation. Elle a consigné le fruit de ses recherches dans un livre, publié aux Éditions Le Télégramme, Jack Kerouac, Breton d'Amérique. Hervé Quéméner, journaliste, complète le tableau par une analyse de la vie et de l'oeuvre de Jack Kerouac à travers le prisme de sa filiation bretonne.
J'ai lu sur Le Télégramme.com: «À la suite d'une procédure criminelle, et un refus de paternité, M. Le Bihan de Kerouac, qui résidait à Huelgoat s'est expatrié au Canada (en fait, c'est son père qui, ayant reçu une lettre de cachet, l'oblige à sortir du pays), modifiant en vol son patronyme en Le Bris de Kerouac». Le livre révèle que l'ancêtre possédait un trésor dans le Centre-Bretagne. «Mais Urbain-François Le Bihan s'était ingénié à monter une fourberie pour que sa progéniture ne puisse jamais devenir ayant droit». Il a réussi, car il y a prescription. Je vous signale la parution de son livre, car il pourrait vous intéresser.

Pour ma part, je vous propose de finir en beauté, en écoutant Jack Kerouac lire la dernière page de On the Road, au son d'air de jazz, et en regardant défiler des photos que vous reconnaîtrez sans doute.
Ne manquez mon prochain billet! C'est un rendez-vous...
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* Citation tirée de l'essai de Victor-Lévy Beaulieu, Jack Kérouac, Éditions des Trois-Pistoles. Essai qui nous a guidés dans la lecture de Sur la route. Et qui a nous permis de (mieux) comprendre l'univers complexe de ce grand écrivain qu'est Jack Kérouac qui, soit dit en passant, à garder «son accent» jusqu'à la fin de sa vie. À preuve l'entrevue au Sel de la semaine...