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lundi 7 septembre 2009

The Road - Cinéma... Cinéma!

«The Road» de Cormac McCarthy, le roman, revient dans l'actualité par le biais du film de John Hillcoat, présenté à la Mostra de Venise. «"The Road" retente le saut périlleux de la littérature au cinéma», écrit l'envoyé spécial du journal Le Monde. «Les grands livres sont-ils adaptables au cinéma?», se demande-t-il. Ce qu'il reste à voir... en voyant le film. Pour l'heure, examinons ce qu'en disent Le Monde et l'Agence France-Presse (AFP), dans leur compte rendu respectif.

Les acteurs et l'actrice.
John Hillcoat -hagard, le visage émacié- et Mads Mikkelsen incarnent l'homme et l'enfant, le père et son jeune fils. Dans le roman, ils ne portent pas de nom et leur physique n'est pas décrit: ce sont deux «êtres» qui errent dans un monde qui n'existe plus. Ils errent dans un no man's land, obligés de se protéger contre les hordes sauvages. L'humanité a régressé au point de pratiquer le cannibalisme.

«Il faut savoir gré à John Hillcoat d'avoir évité de récupérer ce récit en film de genre, avec surenchère de scènes d'horreur et d'effets spectaculaires. Le cinéaste a intégré la leçon de Jacques Tourneur et use intelligemment du hors-champ, réduisant au minimum la vision des forfaits barbares.» (Le Monde)
Des forfaits qui sont, à mon avis, à la limite de l'insupportable dans le roman. Ces scènes d'horreur, je le précise, sont essentielles dans le roman.

Charlize Theron joue le rôle de la mère de l'enfant. Elle se suicide par désespoir. Seuls au monde, le père et l'enfant prennent la route, à pied et se dirigent vers le Sud, espérant y trouver leur salut. Mais... le bleu du ciel ne sera pas au rendez-vous... Une fin dure, bouleversante, et qui m'a chavirée. Seulement à y repenser, les larmes me montent aux yeux. La route a été longue et pénible, ces deux êtres attachants feront face à un «dead end».

Le Monde souligne le rôle de «Robert Duvall en vieil homme errant, méconnaissable.»

Les images
«Souvent très retouchés par ordinateur ou entièrement numériques, les paysages au ton gris métallique sont d'une grande beauté» (AFP)
Le Monde parle de «climat visuel»: «L'essentiel de son travail (John Hillcoat) a été de créer un climat visuel.» Mais avec quels procédés cinématographiques? Quels résultats sur l'écran? Ces questions restent en suspens.

La musique
«Sobre, mais obsédante, la musique originale composée par Nick Cave contribue avec efficacité à l'atmosphère angoissante du film»

Les flashbacks
«Resserrant la narration et ajoutant quelques flashbacks mettant en scène un univers familial harmonieux d'avant la catastrophe qui était absent du roman, il gomme l'ambiance énigmatique tissée par McCarthy.» (AFP)
Quid? On en rajoute et on gomme!

Pour Le Monde: L'homme et l'enfant «traumatisés par le suicide de la mère de famille dont l'obsédante présence est évoquée en flash-backs lumineux (...)».

Lumineux, peut-être, mais ajoutés et sans aucun rapport avec le roman. Un gommage pour alléger le roman? Je vous le dis, tout de go, un film qui ne rend pas rend pas l'atmosphère (l'ambinace) d'un roman: je déteste.
Dans ce cas de «The Road» de Cormac McCarthy: c'est une trahison.

Au début de l'article, on lit : Le réalisateur s'est fixé comme objectif de rester le plus fidèle possible à l'esprit du livre»
Hein! Qu'est-ce que veut dire le «plus fidèle possible»?

J'ai gardé au creux de l'oreille, la réplique de Arletty à Louis Jouvet dans l'Hôtel du Nord (1938), de Prévert et Carné.
__ «J'ai besoin de changer d'atmosphère.» (Monsieur Edmond)
__ «Atmosphère! Atmosphère! Est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère?» (Raymonde)

La conclusion des comptes rendus
L'Agence France Presse. «Mais au final le cauchemar mis en scène par The Road ne bouleverse pas le spectateur.»

Le Monde. «John Hillcoat s'attache aux rapports père-fils, à la veine philosophique de propos, à sa portée métaphorique. Car The Road est une invitation à s'interroger sur les réflexes de l'être humain, ses pulsions de sauvagerie (...)», etc.
La veine éducatrice du père, que la situation pousse à partager de façon primaire le monde entre les bons et méchants, est "réformée" par la vision plus charitable du gamin, qui pousse l'adulte à ne pas laisser des innocents démunis au bord du chemin.

Ma conclusion
Me basant sur les deux comptes rendus, j'en arrive à conclure que le film, sans les ajouts et sans le gommage, aurait pu réussir -haut le jambe- le saut périlleux de la littérature au cinéma. À présent, j'en doute fort.

Une question se pose: à qui s'adresse le film? À ceux et celles qui ont lu le roman? Au public qui ne l'a pas lu et que l'on craint d'effrayer? D'ennuyer même... Il doit bien y avoir une explication, tout de même.

En terminant, je vous réfère aux deux billets que j'ai consacré au roman «The Road» de Cormac McCarthy, ici sur Livranaute, les 13 et 14 juin 200. Le premier est intitulé «The Road. La filière américaine (3)» ; le deuxième, est un extrait.

Ceci dit, je vous invite à voir la bande-annonce du film: The Road.

Je remercie tous ceux et celles qui me lisent. Un gros merci! À bientôt pour la conclusion sur «Le survenant».

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