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mardi 14 avril 2009

Extraits de Seul dans le noir

Voici deux extraits tirés de Seul dans le noir, publiés chez Actes Sud/Leméac, suivis d'un bref commentaire. Bonne lecture!

«Je l'ai mis dans un trou. Ça me semblait un bon début, une façon prometteuse de mettre les choses en train. Mettre un homme endormi dans un trou et voir ce qui se passe quand il se réveille et tente d'en sortir. Je parle d'un grand trou dans le sol, profond de près de trois mètres, creusé de manière à former un cercle parfait, avec des parois lisses en argile dense et solidement tassée, si dures que leur surface a la consistance de la terre cuite, voire du verre. C'est dire que, lorsqu'il aura ouvert les yeux, l'homme dans le trou sera incapable de s'en extirper. A moins qu'il ne dispose d'un équipement d'alpiniste - un marteau et des pitons d'acier, par exemple, ou une corde qui lui permettrait de s'arrimer à un arbre proche - mais cet homme n'est pas équipé et, une fois qu'il aura repris conscience, il comprendra la gravité de sa situation.
Et c'est ce qui se passe. L'homme revient à lui et se découvre sur le dos, les yeux levés vers le ciel vespéral sans nuages. Il s'appelle Owen Brick, et il n'a aucune idée de la façon dont il est arrivé à cet endroit, aucun souvenir d'être tombé dans ce trou cyclindrique dont il évalue le diamètre à un peu moins de quatre mètres. Il s'assied. A sa grande surprise, il est revêtu d'un uniforme militaire en gros drap grisâtre. Il a un calot sur la tête et aux pieds une paire de bottines de cuir noir patinées, lacées au-dessus de la cheville avec un double noeud bien serré. Il y a, sur chaque manche du blouson, deux galons indiquant que l'uniforme appartient à quelqu'un qui a le grade de caporal. Cet individu pourrait être Owen Brick, mais l'homme dans le trou, dont le nom est Owen Brick, ne se souvient pas d'avoir servi dans l'armée ni d'avoir combattu dans une guerre à quelque moment de sa vie que ce soit. (..) Extrait tiré des pages 12 et 13.

«Une porte vient de s'ouvrir à l'étage, et j'entens des pas dans le couloir. Miriam ou Katya, je ne saurais dire laquelle. La porte de la salle de bains s'ouvre et se referme ; faiblement, très faiblement, je discerne la petite musique familière du filet d'urine s'écoulant sur l'eau, mais celle qui se trouve là est assez attentive pour ne pas tirer la chasse et risquer d'éveiller la maisonnée, même si les deux tiers de ses membres ne dorment pas. Ensuite la porte de la salle de bains s'ouvre, et de nouveau, quelqu'un marche à pas légers dans le couloir et referme la porte d'une chambre à coucher. Si je devais choisir, je dirais que c'était Katya. (...)» Extrait tiré de la page 21.

Commentaire. Ainsi alterne le roman entre l'histoire inventée et la vie quotidienne et les souvenirs qui refont, inévitablement, surface. Le récit, comme vous le constatez, est rendu avec précision. On se pense dans la tête d'August, et dans celle de ses personnages. On vit avec lui et ses personnages. Un monde étrange à plusieurs dimensions...

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