«Certains témoins mentionnent qu'aux derniers jours du procès de Maurice Papon, la police a empêché un clown de rentrer dans la salle d'audience. Il semble que ce même jour, il ait attendu la sortie de l'accusé et l'ait considéré à distance sans chercher à lui adresser la parole. L'ancien secrétaire général de la préfecture a peut-être remarqué ce clown mais rien n'est moins sûr. Par la suite l'homme est revenu régulièrement sans son déguisement à la fin des audiences et des plaidoiries. À chaque fois, il posait sur ses genoux une mallette dont il caressait le cuir tout éraflé. Un huissier se souvient de l'avoir entendu dire après que le verdict fut tombé: - Sans vérité, comment peut-il y avoir de l'espoir…?
Et sans mémoire? Des lois de Vichy: 17 juillet 40, concernant l'accès aux emplois dans les administrations publiques, du 14 octobre 40 relatives aux ressortissants étrangers de race juive, du 13, la veille, portant sur le statut des juifs, du 23 juillet 40, relatives à la déchéance de la nationalité à l'égard des Français qui ont quitté la France, tous ces actes où Pétain commence par «Nous, Maréchal de France…», et cette autre loi qui me touche, du 6 juin 42, interdisant aux juifs d'exercer la profession de comédien…
Je ne suis pas juif. Ni comédien. Mais…
Aussi loin que je puisse retourner, aux époques où je passais encore debout sous les tables, avant même de savoir qu'ils étaient destinés à faire rire, les clowns m'ont déclenché le chagrin. Des désires de larmes et de déchirant désespoirs, de cuisantes douleurs, et de honte de paria.
Plus que tout, j'ai détesté les augustes. Plus que l'huile de foie de morue, les bises aux vieilles parentes moustachues et le calcul mental, plus que n'importe quelle torture d'enfant. À dire au plus près l'exact du sentiment, au temps de mon innocence (…)
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