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mardi 11 août 2009

Survenant est-il un quêteux?

Certains auteurs de textes, publiés sur Internet, affirment sans ambages que Le Survenenant est un quêteux. Pour eux, cela semble aller de soi. Précisons: Le Survenant est le titre du roman de Germaine Guèvremont, et Survenant ou le Survenant désigne le nom du personnage principal. Cette clarification n'est en rien byzantine, car elle permet d'éviter des ambiguïtés dans le discours. Cela posé, abordons de front la question: Survenant est-il un quêteux, sans rapport avec Jack London ou Jack Kerouac, s'inscrivant dans le paysage du Québec vers les années 1909-1910?

Le quêteux est un mendiant. À la belle saison, il parcourt la campagne demandant le gîte et le couvert aux «habitants». Il leur demande l'aumône «pour l'amour de Dieu». Sales et pouilleux, on les fait dormir soit dans le «banc du quêteux», soit dans la grange - et on prie le Ciel pour qu'il n'y mette pas le feu. Même les pauvres lui donnent à manger et, bien souvent, il repart avec quelques victuailles. En retour, certains aident durant un ou plusieurs jours aux travaux de la ferme. D'autres reprennent la route avec un «Dieu nous bénisse» ou un «Dieu vous le rendra».

Le quêteux est une vraie «gazette». Il colporte les nouvelles d'un village à l'autre, d'une maison à l'autre. Mariage, naissance, décès, incendie, accident... tout y passe. Au plus fiable, on confie des lettres ou des messages verbaux, à l'image d'Olivier Chouinard, dans le roman de Louis Fréchette. Un homme de confiance, simple, un illettré qui livrait les lettres ou colis qu'on lui confiait, un facteur avant la lettre... Un personnage haut en couleur ayant réellement existé, ce quêteux parcourait le territoire du Bas-du-fleuve, en toutes saisons.*

Le quêteux pouvait s'adonner au commérage, répandant des ragots... peu charitables. En verve, et peu scrupuleux, il n'hésite pas à faire bruire la maison de l'habitant «de cent médisances, ragots et calomnies». En général, toutefois, le quêteux se contente de rapporter les nouvelles d'une maison à l'autre, d'un village à l'autre. Il raconte des histoires, des contes, en y mettant son grain de sel: cent fois racontés, cent fois réinventés. Il chante ou joue de l'harmonica - de la «ruine-babines». Il désennuie la maisonnée à laquelle se joignent, parfois, des voisins qui viennent veiller comme chez les Beauchemin, dans Le Survenant.

À l'opposé, il y a le «mauvais quêteux. Effronté, grossier, vicieux même, il tente de faire la loi. La femme et les enfants seuls à la maison en ont une peur bleue, et pour cause. Celui-là est mécontent de tout ce qu'on lui offre, en exige davantage et du meilleur. Il leur lance des injures et les menace. Il va jusqu'à jeter des sorts pour effrayer les gens -souvent superstitieux- de la maison.
C'est le type du quêteux crasseux, pouilleux, hargneux, ivrogne, souvent ivre, toujours violent. Celui-là, on cherche à s'en débarrasser au plus vite, ou bien on le chasse manu militari, si cela est possible. On le redoute, car on craint une vengeance, par exemple qu'il revienne sournoisement pour mettre le feu aux bâtiments.

Parmi les quêteux, on peut distinguer deux groupes. Le «quêteux de métier» qui correspond, somme toute, au portrait que je viens d'esquisser. Pour lui, parcourir «le pays» est un mode vie. Il ressemble à Jambe-de-bois dans «Les belles histoires des Pays d'en haut» de Claude-Henri Grignon, série télévisuelle qui connaît un grand succès d'une génération à l'autre. Auparavant, l'émission radiophonique, sous le titre «Un homme (Séraphin, l'avare) et son péché», avait largement contribué à faire connaître le roman de Grignon.
Ce quêteux de métier parcourt «son territoire». L'intrus est malvenu: il tente de le dissuader de rester ou le fait chasser avec l'aide du maire, du curé et avec l'appui des gens. On veut en limiter le nombre, car la paroisse ne pourrait en supporter plusieurs. En somme, le maire pense aux taxes, le curé à la dîme et à ses bonnes œuvres, le notaire et les marchands aux impayés, et l'habitant, souvent pauvre, pense à leur famille.

L'autre groupe est formé de «quêteux occasionnels». Celui qui est frappé par le malheur: le sans-abri, chassé de chez lui à cause de l'incendie de sa maison ou d'une reprise d'hypothèque; le criblé-de-dettes, le sans-emploi. Ce quêteux se sent humilié et ne souhaite pas mieux que de cesser de «quémander», de demander la charité.
À ce groupe, j'ajoute ceux que l'état mental ou physique jette sur les routes: le simple d'esprit, le handicapé, l'accidenté. Les uns finiront par être hébergés, les autres trouveront un travail qui convient à leur état: ce sont les chanceux. Les autres, les laissés-pour-compte, sont condamnés à l'errance... ce sont de pauvres malheureux.

Survenant, lui, est-il un quêteux? Si oui, quel type de quêteux. Si non, marche-t-il sur les traces de Jack London ou de Jack Kerouac?
C'est à ces questions que je tenterai de répondre dans mon prochain billet. C'est un rendez-vous...

À bientôt donc! Et merci de me lire...
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*Louis Fréchette, Originaux et Détraqués, récits.