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vendredi 23 octobre 2009

Le Grand Jack - Jack Kerouc - On the Road

«Le Grand Jack» - Jack Kerouc - «On the Road». Nous venons de quitter «Survenant», ce «Grand-dieu-des-routes», précurseur de Jack Kerouac, et voilà que l'actualité nous ramène à Jack Kerouac. Pour mon plus grand bonheur et le vôtre, fidèles lectrices et lecteurs. À l'attention de mes amis Français, j'explique ce que signifie l'expression «un grand jack». On désigne ainsi, au Québec, un homme qui est grand, très grand (relativement à la moyenne...), c'est un grand jack! Le titre «Le Grand Jack» se rapportant à Jack Kerouac, joue sur les deux sens du mot, soit un homme grand et un grand homme, un grand écrivain. Voilà un titre subtil, à mon goût. Vous pensez que je me vante? Pas du tout...
«Le Grand Jack» est le titre d'un docufiction sur Jack Kerouac, réalisé par l'ONF (Office National du Film).

Comme dans les questionnaires -oui, on le aime, ces petites bêtes- cochez A pour lire l'introduction publiée sur Littéranaute aujourd'hui même, je la reprends ici ou cochez B, vous pour visionner le docufiction. Cochez C -qui n'apparaît ni au recto ni au verso - méchantes petites bêtes, va!- pour lire (ou relire) le texte d'introduction et voir la vidéo -terme qui n'apparaît ni au recto ni au verso -méchantes bêtes, va!

A. «Le Grand Jack»
Il y a 40 ans, la mort emportait Jack Kerouac sur la route céleste de l'éternité: c'était le 21 octobre 1969. Il y avait longtemps que Jack Kerouac avait quitté la route terrestre, qu'il avait mis un point final à «On the Road». Ce livre qui a marqué toute une génération, nommée la «Beat Generation», et poursuivi sa route jusqu'à nous. Jack Kerouac nous a légué une œuvre à nul autre pareille, intemporelle. Une œuvre insensible au temps... aujourd'hui comme hier, et hier comme demain. Un héritage! Avec un bilan positif! C'est à nous de mettre la main dessus -et un œil ou deux...

Pour célébrer ce quarantième anniversaire, l'ONF (Office National du Film) présente un docufiction qui entremêle des archives, des photos, des entrevues et des reconstitutions d'époque dans le but de «décortiquer le mythe du héros», dixit le résumé, si tant est qu'on puisse éplucher un mythe... doublé d'un héros...

Ce docufiction entremêle, à l'aide d'images, la vie de Jack Kerouac et «On the Road», et en donne une vision juste et éclairante, poétique et rythmée. Le texte et la narration, d'Herménégilde Chiasson, sont à la hauteur. Il ne «décortique rien», et c'est heureux et... comme dirais-je, logique... plein de bon sens...

C'est, à ma connaissance, et de loin, le meilleur documentaire. Je le trouve excellent. D'autant plus, que l'on a retenu que de brèves séquences de l'entrevue (minable) Jack Kerouac avec Fernand Seguin, dans le cadre du «Sel de la semaine», où jamais sel de la sagesse ne fut plus rare.*

Ce docufiction saura vous captiver, vous émouvoir, vous projeter dans le monde de Jack Kerouac. Regardez-le avec les yeux du cœur..

B. Le Grand Jack, Herménégilde Chiasson, une réalisation de l'ONF

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* Voir mon billet du 10 juillet 2009. Il est ici, je viens de le voir, il existe... Cliquez ici.

mardi 6 octobre 2009

Qui êtes-vous... Survenant? (3)

Qui êtes-vous... Survenant? (3). Descendant du Français Beauchemin dit Petit, bourlingueur, homme de chantier, coureur des bois, aux allures d'Indien, «Survenant» s'inscrit dans la filière américaine, à la suite de Jack London, «The Road», à titre de précurseur de Jack Kerouac, «On the Road». Cette route que fermera Cormac McCarthy avec «The Road». En examinant attentivement le personnage de Germaine Guèvremont, «Le Survenant», on discerne, aisément, son originalité et sa modernité. Mais qu'en est-il, vraiment, de sa part d'américanité?

Survenant: un beatnick

Laissons la parole à Germaine Guèvremont «Mon Survenant aurait pu être beatnick, lui aussi»*, dit-elle lors d'une entrevue au Petit Journal (1959). À la lumière du roman et des écrits consultés, on sait que cette affirmation n'est pas superficielle.

Hélène Destrempes et Jean Morency écrivent: « Reconnaissant ainsi le lien direct entre son personnage fétiche et la mouvance beat, elle ne manque pas d'inscrire la figure du Survenant dans un courant nord-américain dont il est en quelque sorte un précurseur ou du moins représentant. Son grand-dieu-des-routes, habité par la fièvre des départs et porté sur la dive bouteille, serait ainsi un proche parent, voire un précurseur de Jack Kerouac, dont le fameux roman On the Road date de 1957. Cette revendication de la modernité de la figure du Survenant comme du roman lui-même n'a rien de gratuit, du moment que l'on considère l'étendue de la culture livresque de Germaine Guèvremont, qui connaissait la lignée des auteurs dont l'œuvre de Jack kerouac était elle-même issue, à commencer par Jack London, John Steinbeck, Thomas Wolfe (...)».*

Les auteurs soulignent que Alfred Desrochers, dans les années '40, se «tourne vers la poésie américaine, qu'il a découverte avec ravissement dans des revues spécialisées venues des États-Unis.» Ils mentionnent que l'écriture de Germaine Guèvremont a été influencée par ses lectures de revues et d'auteurs américains, à l'appui de sa correspondance avec Alfred Desrochers. Ils mentionnent aussi «les échanges de plus en plus nombreux entre les citoyens de la belle province (le Québec) et leurs compatriotes exilés du «Québec d'en bas.» Notons que Pierre Anctil est l'auteur du texte «La Franco-Américanie ou le Québec d'en bas» (2007)

Je rappelle ici que Victor-Lévy Beaulieu (VLB), qui a guidé notre lecture de Jack Kerouc, traite abondamment du Québec d'en bas. [Son essai, intitulé «Jack Kérouac», a été publié aux Éditions Trois-Pistoles, en 2005]

Dans son roman. Germaine Guèvremont parle de l'Acayenne et du Québec d'en bas. Ces passages ont une résonance, car on sait que Jack Kerouac est un Franco-américain (un Canuk) dont les parents canadiens-français (aujourd'hui, on dirait québécois) catholiques ont émigré à Lowell, Massachussets, c'était...le Québec d'en bas.

__On te demande (Survenant) si t'as eu vent à Sorel du gros accident?
__ Quel accident?
__ Apparence que trente-quelques personnes ont péri dans une exposion (explosion) à la station des chars (trains) du Pacifique, à Montréal.
__ Ah oui! L'Acayenne m'en a soufflé mot (...)
(...)
__ Une personne de ma connaissance. [p.103].

Survenant: «L'Acayenne, de son vrai nom Blanche Varieur»
__«Mais d'où qu'elle sort pour qu'on l'appelle l'Acayenne?
Survenant: «Ah! elle vient de par en bas du Québec, de quelque part dans le golfe.» [p. 188].

Fin du voyage
À la lumière de ce qui a été dit, je n'hésite pas à inscrire Survenant dans la filière américaine, précurseur de Jack Kerouac. À la différence de celui-ci, il est un personnage, et non pas une personne. Mais sa nature complexe, et unique, lui donne un caractère humain indéniable. Il n'est pas étonnant que Survenant ait atteint le statut de mythe.

Je vous quitte sur ces deux belles déclarations d'amour. Celle de Survenant à Angélina, dans une scène d'adieu déchirante; et, celle de Germaine Guèvremont à «son» Survenant, magnifique!

«Si tu voulais, Survenant... Tendrement il emprisonna un moment dans les siennes les mains qui s'accrochaient à lui et y enfouit son visage.
D'une geste brusque, il se dégagea et, la voix enrouée, il dit: Tente-moi pas, Angélina. C'est mieux.» À grandes foulées, il se perdit dans la nuit noire.» [p. 196].


Plus qu'un homme, le Survenant est l'île de nostalgie, de déraison, d'inaccessible, d'inavouable
---et pourtant d'humain--- que chacun porte en soi.
L'ïle perdue.

Germaine Guèvremont

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* Hélène Destrempes et Jean Morency, «Américanité et modernité dans le cycle du Survenant», à l'adresse...
Principales sources: «Le Survenant», Germaine Guèvremont, Bibliothèque québécoise, 1990, 219 pages, ainsi que la présentation du roman par Yvan G. Lepage, intitulée «Genèse d'un mythe», p.7-p.17.
Autres sources:
__ Pierre Anctil, «La Franco-Américanie ou le Québec d'en bas», erudit.org
__ L'article de Thomas Flamarion, «Cent ans sous les semelles: Trilogie de l'asphalte: London, Kerouac, Mc Carthy», qui a inspiré ma démarche.
__ Victor-Lévy Beaulieu (VLB), «Jack Kérouac», Éditions Trois-Pistoles, en 2005.
Rappel: La traduction anglaise qui aura pour titre: «Monk's Reach» (1950). En américain, le titre sera «The Outlander» (1950). En France, «Le Survenant» sera publié chez Plon, coll. «L'Épi», dirigée par le philosophe et écrivain Gabriel Marcel (1946)

samedi 3 octobre 2009

Qui êtes-vous... Survenant? (2)

Qui êtes-vous... Survenant? (2) «Survenant», personnage du roman «Le Survenant» de Germaine Guèvremont, est un précurseur de Jack Kerouac. Ce n'est pas rien! C'est un homme moderne qui s'inscrit dans la filière américaine formée, dorénavant, de Jack London, «The Road»; de Germaine Guèvremont, «Survenant» ; de Jack Kerouac, «On the Road»; de Cormac McCarthy, «The Road».

Lisons, liserons! Lisons ce roman, un classique de la littérature québécoise, d'un œil nouveau. «Tout le monde en parle», mais qui a lu «Le Survenant», d'une couverture à l'autre. Pour penser, dire, répéter, à tout vent et à tout venant, «c'est un roman du terroir»... c'est le réduire à sa portion congrue (L'avez-vous lu? Avez-vous sauté des pages? Ah! Ah! vous n'avez pas lu mon blogue...). Oui, il y a de «ça»... mais pas seulement «ça» (et le «ça» n'est pas le béret de Roland Barthes). «Survenant»: c'est lui qui est le pivot du roman, c'est sur lui que repose le roman; sans lui, le roman tombe à plat. Nevermind! dirait Survenant, je m'en vas ailleurs... « (...) pas même le temps de changer de hardes et je pars.» Survenant, un homme libre...

Qui êtes-vous... Survenant?
Survenant est un personnage à facettes: bourlingueur, homme de chantier et coureur des bois, aux allures d'Indien. Je poursuivrai, et terminerai en beauté, son portrait. En commençant, comme il se doit, par vous exposer «ma petite idée»...

Descendant du Français Beauchemin dit Petit
Dans les écrits. J'ai cherché, mais je n'ai pas trouvé d'écrits appuyant cette filiation du Survenant. Filiation tout à fait plausible que j'ai déduite du roman lui-même. Laissons donc «parler» le roman. [p.155 à p.158]

Dans le roman: Survenant s'adresse au père Didace: «Beauchemin... c'est comme rien, le premier du nom devait aimer les routes?»
Didace lui répond: «T'as raison, Survenant. Les premiers Beauchemin de notre branche tenaient pas en place. Ils étaient deux frères, un grand, un petit: mieux que deux frères, des vrais amis de cœur. Le grand s'appelait Didace. Le petit j'ai jamais réussi à savoir son petit nom. (...) Ils venaient des vieux pays. L'un et l'autre avaient quitté père, mère et patrie, pour devenir son maître et refaire sa vie. Ah! quand il s'agissait de barauder de bord en bord d'un pays, ils avaient pas leur pareil à des lieues à la ronde. (...) Ils sont arrivés au chenal, tard, en automne, avec, pour tout avoir, leur hache, et leur paqueton sur le dos. Et dans l'idée de repartir au printemps. Seulement pendant l'hiver, le grand s'est épris si fort d'amitié pour une créature qu'il a jamais voulu s'en retourner. (...) Il s'est donc marié, et c'est de même qu'on s'est enraciné au Chenal du Moine».

Alors, Survenant se mit à chantonner une vieille complainte, que Didace entonna à son tour. «Puis il (Didace) continua à raconter:
__ Tout ce qu'on a su de lui, c'est que, par vengeance, il a jamais voulu porter le nom de Beauchemin: Il s'est appelé Petit.
__ Petit! s'exclama le Survenant. Pas Beauchemin dit Petit.
__ Sûrement. Quoi c'est qu'il y a d'étrange là-dedans?
__ Ça me surprend parce qu'il y a eu des Petit dans notre famille.»

«Sa grand-mère était une Petit. Serait-il du même sang que les Beauchemin? À cela rien d'impossible. (...). Il (Survenant) se perdit en réflexions: "Pour refaire sa vie et devenir son maître": c'est ainsi que si peu de Français, par nature casaniers, sont venus s'établir au Canada, au début de la colonie, et que le métayage est impossible au pays. Celui qui décide de sortir complètement du milieu qui l'étouffe est toujours un aventurier. Il ne consentira pas à reprendre ailleurs le joug qu'il a secoué d'un coup sec. Le Français, une fois Canadien, préférerait exploiter un lot de la grandeur de la main qu'un domaine seigneurial dont il ne serait encore que le vassal et que de toujours devoir à quelqu'un foi, hommage et servitude. À son insu, il venait de penser tout haut. Didace n'en fit rien voir. Rempli d'admiration et de respect pour une si savante façon de parler, il écouta afin d'en entendre davantage, mais le Survenant se tut.»

En somme, ce passage est si éloquent qu'il se passe de commentaires. Cependant, il pourrait éclairer la réponse sibylline de Survenant à Amable au sujet de son habilité à réparer des raquettes -moyen de déplacement des Indiens pour marcher dans la neige épaisse.
__ De qui c'est que t'as appris ça, Survenant? lui demanda Amable.
__ De personne. Mon père, mon grand-père, mon arrière-grand-père l'ont appris pour moi. [p.119]

Ce passage pourrait répondre à cette question, toute simple: «De qui peut-il bien retenir (avoir des traits de ressemblance) pour avoir la bougeotte comme ça. Il ne tient pas en place!» Il... Survenant pourrait bien retenir de son ancêtre, Beauchemin dit Petit, venu de France....
Son arrière-grand-père a, probablement, côtoyé des Indiens -des Hurons, des Montagnais- de qui il aura appris beaucoup de choses... confectionner et réparer des raquettes, courir les bois, vivre en accord avec la nature, respirer un air de liberté... Il me semble que «ma petite idée» tient debout... sans avoir à s'appuyer sur un arbre...

Survenant est un personnage complexe et dense, tiraillé par des tensions intérieures.
Yvan G. Lepage écrit: « Le Survenant est un personnage infiniment complexe. Il a beau porter un mackinaw, avoir connu les chantiers et passer pour un «sauvage», il n'en demeure pas moins un homme éminemment moderne. Certes, il ne dédaigne pas la nature, mais c'est la ville qui l'attire, avec ses hôtels et ses plaisirs». [p.13]

Dans mon billet précédent, j'ai établi que Survenant est un coureur des routes, tout comme Jack London «The Road» et Jack Kerouac «On the Road». En cernant de plus près la «personnalité» de Survenant, nous arrivons à saisir pleinement son originalité et sa modernité. On sait que Jack Kerouac est un Canuck qui s'est américanisé, dans une certaine mesure, car il est demeuré essentiellement lui-même, dans sa vie comme dans ses livres, lesquels s'interpénétraient. Survenant, lui, aurait-il une part d'américanité?

Je répondrai à cette question dans mon prochain billet, qui marquera la fin de notre voyage. C'est un rendez-vous...

À très bientôt!

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* Présentation par Yvan G. Lepage, intitulée «Genèse d'un mythe», p.7-p.17, du roman «Le Survenant» de Germaine Guèvremont, Bibliothèque québécoise, 1990, 219 pages.
**La traduction anglaise aura pour titre: «Monk's Reach» (1950). En américain, le titre sera «The Outlander» (1950). En France, «Le Survenant» sera publié chez Plon, coll. «L'Épi», dirigée par le philosophe et écrivain Gabriel Marcel (1946)
*** Hélène Destrempes et Jean Morency, «Américanité et modernité dans le cycle du Survenant», à l'adresse...
__ Pierre Anctil, «La Franco-Américanie ou le Québec d'en bas», erudit.org
Rappel: L'article de Thomas Flamarion, «Cent ans sous les semelles: Trilogie de l'asphalte: London, Kerouac, Mc Carthy», a inspiré ma démarche.